26/12/2018

La révolution française, l’étranger, la citoyenneté (S. Wahnich)




Sophie Wahnich est historienne, directrice de recherche au CNRS (laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales). Elle est très engagée à gauche et a appelé à voter Mélenchon en 2017. Il me semble qu'elle est souvent invitée sur les plateaux du Média ou de Médiapart. Les propos qui suivent ont été recueillis par Guillaume Quashie-Vauclin pour feu La Revue du Projet. Il est question de citoyenneté, de nationalité, de définition, de droits, des étrangers, de patriotisme, etc. et on est ravi d'apprendre que les révolutionnaires étaient progressistes. Je ne vous présente qu'une version coupée, l'interview dans son intégralité est ici. Elle est daté du 18 mai 2011.


Note : Je n'ai pas d'affinité particulière pour la révolution française, uniquement pour les bonnes idées qu'elle a (re)fait germer. Il n'est pas question de faire une analyse historique complète, ni de s'identifier à nos prédécesseurs, mais seulement de se réapproprier ce qu'étaient leurs aspirations profondes avant qu'elles ne soient perverties par la stratégie bourgeoise, le pourrissement et le temps.
 

« Il faut bien entendre que la notion de nationalité n'existait pas au cœur de la Révolution française. Ni le mot nationalité, ni le mot citoyenneté n’étaient employés à l’époque. (...) Or ce mot de « citoyen » effaça de fait les distinctions entre l’appartenance légale à la nation, l'engagement patriotique et l’exercice des droits politiques, et ce, dès 1789, avant même qu'il n'y ait une véritable constitution. Il s’agissait alors avant tout de passer de l’état de sujet à l’état de citoyen et cette transmutation formidable concernait l’ensemble des personnes participant à l’événement révolutionnaire. (...) Était alors citoyen celui qui voulait vivre sous les lois élaborées par l'Assemblée nationale constituante et qui adhérait aux principes qui doivent régir ces lois, la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen. (...) On comprend que la seule contrainte à cette définition de l’identité politique est une contrainte de lieu et d’opinion, d’adhésion, pas une contrainte de sang ou de nationalité même juridique, pas une contrainte d’acculturation longue non plus, car cette adhésion peut être immédiate quelle que soit son histoire personnelle, ou refusée durablement même si on passait beaucoup de temps sur le territoire.

(...) Cette citoyenneté en acte ouvre toutes sortes de possibilités d’inclusion dans la cité de fait pour les étrangers entre 1789 et 1791. En 1789, les étrangers présents sur le territoire de la France participent aux événements révolutionnaires dès la convocation des États généraux car tout homme de 25 ans inscrit au rôle des impositions est appelé à voter. (...) Très vite, les étrangers fondent des sociétés fraternelles spécifiques liées à l'usage de langues étrangères, ou participent à des sociétés fraternelles existantes quand ils parlent français. Ils discutent ainsi l'élaboration de la loi et envoient des pétitions à l'Assemblée nationale. (...) Il y eut bien ainsi pendant la période révolutionnaire une citoyenneté de fait sans nationalité. (...) Puis, les 30 avril - 2 mai 1790, le décret Target est voté par l’Assemblée nationale. Il décide que les étrangers établis en France « seront réputés Français et admis, en prêtant le serment civique, à l’exercice des droits de citoyen actif après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils ont, en outre, ou acquis des immeubles ou épousé une Française, ou formé un établissement de commerce ou reçu dans quelque ville des lettres de bourgeoisie ». (...) « Ce sont des amis de plus que vous acquerrez à une constitution qui voudrait rendre tous les hommes heureux ». (...) Le 24 août 1792, Marie-Joseph Chénier, se présente à la barre de l’Assemblée, à la tête de plusieurs citoyens de Paris, pour proposer « l’adoption de tous ceux qui dans les diverses contrées du monde, ont mûri la raison humaine et préparé les voies de la liberté. » (...) Enfin, en 1793, la Constitution est très ouverte aux étrangers puisqu’elle déclare dans son article 4 « Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis; Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année - Y vit de son travail - Ou acquiert une propriété - Ou épouse une Française - Ou adopte un enfant - Ou nourrit un vieillard ; - Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'humanité - Est admis à l'exercice des Droits de citoyen français. » Cependant dans le contexte de guerre les étrangers vont devenir suspects et devront faire la preuve de leur patriotisme sinon ils seront soit exilés soit emprisonnés. On renonce également à choisir des représentants et des fonctionnaires dans l’universalité du genre humain et se met en place la nécessité d’être un « national » pour prétendre à ces fonctions.


(...) Ce passé nous permet d’envisager la citoyenneté et le patriotisme comme rapport immédiat à la loi que l’on souhaite se donner. De ce fait c’est en faisant de la politique qu’on devient citoyen, en formulant et en élaborant les lois que l’on pense souhaitables, justes, nécessaires. (...) Enfin savoir que les étrangers ont spontanément joué un rôle dans la Révolution de 1789-1790, qu’ils ont été conviés à la fabrique de la loi, à la fédération de 1790, permet de penser la Révolution française non comme événement particulier noué à un lieu, mais comme événement de la raison qui donne naissance à un peuple politique et qui à ce titre est un événement singulier à valeur d'universel. De ce fait la conception de la citoyenneté révolutionnaire n’est pas culturaliste du tout. (...) Ainsi la Révolution française permet de renouer avec l’imaginaire d’une égalisation des citoyens qu’ils soient d’origine française ou étrangère même en dehors de l’espace européen, l’imaginaire d’une citoyenneté sans nationalité. (...) »


25/12/2018

Playlist #WEEK52/18 - 'XMAS HipHop'


Christmas Special! Deux albums de remixes sortis il y a quelques semaines. 

Le premier est de Jonwayne, excellent beat maker et rappeur de la scène indépendante de Los Angeles (Low End Theory). Yuletide est un album de reprises de chansons de Noël avec de la grosse boite à rythme inspirée.




Le second est aussi un album de reprises mais de morceaux classique du rappeur MF DOOM. Il en existe un paquet en ligne notamment sur Bandcamp, mais celui-ci est dans l'esprit de Noël. Je ne connais pas Cookin Soul, le beat maker, mais MF (Metal Face) est un myth dans le hip hop. 

Si vous ne le connaissez pas faites moi plaisir et écoutez le cultissime Madvillainy (feat. Madlib).

25/12/2018

Imperialism - The Highest Stage of Capitalism (Lénine)



Collection de courts extraits du livre Imperialism - The Highest Stage of Capitalism écrit par Lénine en 1916 et publié en 1917. J'ai trouvé tout ça dans une vidéo Radical Reviewer, un youtuber spécialisé dans la critique de livre de théorie communiste ou anarchiste. 

Lénine décrit avec précision la naissance d’une phase du capitalisme amené à supplanter les Etats à l'internationale et marquée par le premier âge de la finance moderne. Plus de cent ans plus tard, tout cela est encore étrangement d'actualité. Je vous laisse juger. 

La vidéo de radical Reviewer vous attend juste en dessous ;)

Imperialism - The Highest Stage of Capitalism 

Chapter I - Concentration of Production and Monopoly
“Marx, by a theoretical and historical analysis of capitalism showed that free competition gives rise to the concentration of production, which, in turn, at a certain stage of development leads to monopoly.”

“Capitalism in its imperialist stage arrives at the threshold of the most complete socialization, of production. (…) Production becomes social, but appropriation remains private. The social means of production remain the private property of a few. The general framework of formally recognized free competition remains, but the yoke of a few monopolists on the rest of the population becomes a hundred times heavier, more burdensome and intolerable.”

“Crisis of every kind — economic crisis more frequently, but not only these — in their turn increase vey considerably the tendency towards concentration and monopoly.”

Chapter II – The Bank and Their New Role
“The principal and primary function of banks is to serve as an intermediary in the making of payments. In doing so they transform inactive money capital into active capital, that is; into capital producing a profit.”

“Large-scale enterprises, especially the banks, not only completely absorb small ones, but “join” them to themselves, subordinate them, bring them into their “own” group or concern (to use the technical term) by having “holdings” in their capital, by purchasing or exchanging shares, by controlling them through a system of credits, etc.”

“The old capitalism has had its day. The new capitalism represents a transition towards something. It is hopeless, of course, to seek for “firm principles and a concrete aim” for the purpose of “reconciling” monopoly with free competition.“

Chapter III – Capital and Financial Oligarchy
“Finance capital, concentrated in a few hands and exercising a virtual monopoly, exacts enormous and ever-increasing profits from the floating of companies, issue of stock, state loans, etc., tightens the grip of financial oligarchies and levies tribute upon the whole of society for the benefits of monopolists.”

“The supremacy of finance capital over all other forms of capital means the predominance of the rentier and of the financial oligarchy; it means the crystallization of a small number of financially “powerful” states from among all the rest.”

“Nearly the whole world is more or less the debtor to and tributary of these four international banker countries, the four ”pillars” of world finance capital. It is particularly important to examine the part which export of capital plays in creating the international network of dependence and ties of finance capital.”

Chapter IV – The Export of Capital
“Under the old capitalism, when free competition prevailed, the export of goods was the most typical feature. Under modern capitalism, when monopolies prevail, the export of capital has become the typical feature. Capitalism is commodity production at the highest stage of development, when labour power itself becomes a commodity.”

“As long as capitalism remains what it is, surplus capital will never will never be utilized for the purpose of raising the standard of living of the masses in a given country, for this would mean a decline in profits for the capitalists; it will be used for the purpose of increasing those profits by exporting capital abroad to the backward countries. In these backward countries profits are usually high, for capital is scarce, the price of land is relatively low, wages are low, raw materials are cheap.”

“The countries which export capital are nearly always to obtain “advantages,” the character of which throws light on the peculiarities of the epoch of finance capital and monopoly.”

“The capital exporting countries have divided the world among themselves in the figurative sense of the term. But finance capital has also led to the actual division of the world.”

Chapter V – The Division of the World Among Capitalist Countries
“Monopolist capitalist combines —cartels, syndicates, trusts— divide among themselves, first of all, the whole internal market of a country, and impose their control, more or less completely, upon the industry of that country. But under capitalism the home market is inevitably bound up with the foreign market. Capitalism long ago created a world market. As the export of capital increased, and as the foreign and colonial relations and the “spheres of influence” of the big monopolist combines expanded, things “naturally” gravitated towards an international agreement among these combines, and towards the formation of international cartels.”

“The capitalists divide the world, not out of any particular malice, but because the degree of concentration which has been reached forces them to adopt this method in order to get profits. And they divide it in proportion to “capital,” in proportion to “strength,” because there cannot be any other system of division under commodity production and capitalism. But strength varies with the degree of economic and political development.”

Chapter VI – The Division of the World Among the Great Powers
“The colonial policy of the capitalist countries has completed the seizure of the unoccupied territories on our planet. For the first time the world is completely divided up, so that in the future only re-division is possible; territories can only pass from one “owner” to another, instead of passing as un-owned territory to an “owner”.

“The more capitalism is developed, the more the need for raw materials is felt, the more bitter competition becomes, and the more feverishly the hunt for raw materials proceeds throughout the whole world, the more desperate becomes the struggle for the acquisition of colonies.”

“Free markets are becoming more and more a thing of the past; monopoly syndicates and trusts are restricting them more and more every day, and “simply” improving agriculture reduces itself to improving the conditions of the masses, to raising wages and reducing profits. Where, expect in the imagination of the sentimental reformists, are there any trusts capable of interesting themselves in the condition of the masses instead of the conquest of colonies?”

Chapter VII – Imperialism as a Special Stage of Capitalism
“Imperialism is capitalism in that stage of development in which the dominance of monopolies and finance capital has established itself, in which the export of capital has acquired pronounced importance, in which the division of the world among the international trusts has begun, in which the division of all territories of the globe among the great capitalist powers has been completed.”

“We ask, is there under capitalism any means of removing the display between the development of productive forces and the accumulation of capital on the one side, and the division of colonies and “spheres of influence” for finance capital on the other side —other than by resorting to war?”

“The export of capital, one of the most essential economic bases of imperialism, still more completely isolates the rentiers form production and sets the seal of parasitism on the whole country that lives by the exploitation of the labour of several overseas countries and colonies.”

“The world has become divided into a handful of usurer states on the one side, and a vast majority of debtor states on the other. (…) (With) the decline in emigration from imperialist countries, and the increase in immigration into these countries from backward countries where lower wages are paid (…), imperialism has the tendency to create privileged section even among the workers, and to detach them from the main proletarian masses.”

Chapter IX – The Critique of Imperialism
“While all this critique shrank from recognizing the indissoluble bond between imperialism and the trusts, and, therefore, between imperialism and the very foundation of capitalism; while it shrank from joining up with the forces engendered by large-scale capitalism and its development —it remained a “pious wish.”

“The only objective, i.e., real, social significance Kautsky’s “theory” can have, is that of a most reactionary method of consoling the masses with hopes of permanent peace being possible under capitalism, distracting their attention from the sharp antagonisms and acute problems of the present era, and directing it towards illusory prospects of an imaginary “ultra-imperialism” of the future.”

“It is not only in newly opened up countries, but also in the old, that imperialism is leading to annexation, to increased national oppression, and, consequently, also to increasing resistance.”

Chapter X – The Place of Imperialism in History
“Firstly, monopoly arose out of the concentration of production at a very advanced stage of development. (…) Secondly, monopolies have accelerated the capture of the most important sources of raw materials, especially for the coal and iron industries, which are the basic and most highly cartelized industries. (…) Thirdly, monopoly has sprung from the banks. The banks have developed from modest intermediary enterprises into the monopolists of financial capital. (…) Fourthly, monopoly has grown out of colonial policy. To the numerous ”old” motives of colonial policy, finance capital has added the struggle for the sources of raw materials, for the export of capital, for “spheres of influence,” i.e., for spheres for profitable deals, concessions, monopolist profits and so on; in fine, for economic territory in general.”

“Monopolies, oligarchy, the striving for domination instead of the striving for liberty, the exploitation of an increasing number of small or weak nations by an extremely small group of the richest or most powerful nations —all these have given birth to those distinctive characteristics of imperialism which compel us to define it as parasitic or decaying capitalism.”

25/12/2018

Crash

Même si cela fait déjà quelques mois que ça mouline ou que ça fait le yoyo dans les vitrines de la finance, aujourd'hui c'est cadeau : Les indices boursiers majeurs terminent de défoncer deux années de 'croissance' (ou sont sur le point de le faire), deux années perdues avec un certain panache sur le final. On murmure que ça pourrait être le début, ou la fin.

On en avait presque oublié que nous vivons tous sous la menace de voir leur chateau de carte s'effondrer une nouvelle fois. Alors soudain on se réveil et on se prend à espérer : un crash contraindrait les néolibéraux à une nouvelle fois tomber le masque en volant au secours de leur classe. Dans le climat actuel, c'est sûr, ça serait la fois de trop...

Joyeux Noël


22/12/2018

Un mot pour nos analystes

J'ai toujours refusé de participer à l'éternelle guéguerre des différentes chapelles et courants de gauche. En fait c'est un des trucs qui m'a toujours angoissé. Les dogmes récités ad nauseam les uns contre les autres alors que la vérité est de toute évidence éclatée et que ce qui nous inspire nous reste éternellement caché.  

Donc je ne vais pas balancer ou m'élancer dans des joutes parfaitement inutiles. Simplement, de manière tout à fait cathartique, je vais poser ici quelques conneries lues ou entendues parmi les nôtres. 


#nohardfeelings   

Il y a ceux qui ne feraient pas la différences entre ma tante qui vote FN et une identitaire déguisée en croisé pendant les manifs.

Ceux qui en veulent à un média de diffuser une conférence de presse.

Ceux qui reprochent à un orateur de défendre un outil politique également défendu par l'extrême droite alors que ce même orateur prétendait quelques jours plus tôt présenter un illuminati aux Gilets Jaunes, et que le problème de ce mec c'est évidement celui-ci, pas ses outils. 

Ceux qui reprochent aux insurrectionnalistes d'appeler à l'émeute alors que la police éborgne.

Ceux qui ont encore pour priorité de supprimer l'Etat au moment où il faut le remplacer, l'institution et la structure autant que les personnes.

Ceux qui cherchent encore le profile idéal du prolétariat avant de trop se prononcer.

Ceux qui pensent qu'en théorie un petit patron qui réclame moins de charges et Carlos Ghosn c'est pareil. 

Ceux qui considèrent les insurrectionnalistes responsables pour certains blessés.   

...

J'espère pouvoir bientôt arrêter de les collectionner.




  

21/12/2018

Playlist #WEEK51/18 - 'Vapor Material'


AUTO-PROMOTION : Si vous avez suivi la playlist de la semaine 50, et que vous êtes donc désormais tout à fait familiers du vaporwave, de ses sonorités comme de son esthétique et de son intérêt politique (si, si!), alors ces quelques morceaux remixés par mes soins devraient vous parler et vous comprendrez aisément que tout est dans le titre. Sinon, j'ai bien peur que le son des années 80, ses saxophones et ses synthétiseurs, ralentis et déformés à coup d'égalisateur, ne vous laissent au mieux perplexes au pire de marbre. 

WEEK 51/18 :
1. Jan Hammer - Crockett's Theme
2. Yes - Owner Of A Lonely Heart
3. Pet Shop Boys - West End Girls
4. Bobby Brown - On Our Own
5. Dorian Gray - Tonema U Mrak
6. Living in a Box - Living in a box
7. Eddie Murphy - Party All The Time
8. Regrets - Je veux pas rentrer chez moi seule
9. Madonna - Lucky Star
10. Tim Coppello - I still believe
11. Tina Turner - We don't need another hero
12. Bronski Beat - Smalltown Boy

20/12/2018

Zizek : Communism - An Idea that Divides

Voici une masterclass en trois partie intitulée "Communism: An Idea that Divides" et donnée par Slavoj Zizek fin 2013 à la Birkbeck Institute for the Humanities. C'est très long (6 heures) mais très intéressant... 

Intro :

"Il semble que 1989 et la désintégration du communisme, ait précipité la fin de deux siècles d'un "paradigme" de la gauche radical. Il semble désormais que ce "paradigme" ait épuisé tout son potentiel, en dépit de tentatives récentes et peu abouties de le ressusciter (en Amérique latine, au Népal…). Aujourd'hui le communisme n'est tout simplement plus une idée qui divise. Alors qu'est-ce qui divise aujourd'hui ? La réponse ne semble pas moins claire : la lutte sans fin entre la permissivité libérale et l'intolérance fondamentaliste. Cependant, ces deux pôles ne se renforcent-ils pas ? La véritable ligne de division reste celle qui existe entre la totalité de l'univers capitaliste mondial existant (dont l'antagonisme politique immanent est celui opposant la démocratie libérale et le fondamentalisme) et l'idée radicale et émancipatrice du communisme qui tente de rompre avec l'espace même de cette division."

Lecture 1 : Economy : The Vicious Cycle of Capitalist Reproduction



Lecture 2 : Ideology : The terror of permissive biopolitics



Lecture 3 : Struggle towards a new master

15/12/2018

Macron et son crépuscule (Juan Branco)

C'est un portrait en 120 pages absolument horrifiant de la macronie, de ses origines, ses soutiens, ses réseaux. J'ai mis du temps à plonger mais j'ai fini par le lire d'une traite. C'est ahurissant et en même temps on y voit beaucoup plus clair. Le pouvoir, l'argent, les familles, certains médias, Juan Branco fait l'inventaire de leurs relations avec Macron pour montrer comment tout ce petit monde s'est mis au service de ce néant politique dans le seul et unique but de se voir octroyer des privilèges.

Le népotisme est TOTAL! C'est le portrait d'un système politique, économique et social mis au service d'une oligarchie. 

En 2ème partie, le récit du parcours de Gabrielle Attal est tout aussi révoltant et résume à lui seul l'agonie des 'élites' dont la reproduction sociale en vase clos a fini par produire des monstres.

C'est vraiment un boulot formidable mais je vais quand même essayer de doubler mes sources parce que la biblio est pas ouf. Je note aussi qu'on aurait aimé une meilleure relecture.  

Vous pouvez lire l'introduction ici 

Et accéder au livre en .pdf



13/12/2018

Playlist #WEEK50/18 - 'Vaporwave'

Je pourrais vous parler des heures de ce style qu'on appelle vaporwave. Pour résumer, c'est un courant hyper éclectique qui partage avant tout, en général, une esthétique très particulière et ce peu importe le genre musical finalement pratiqué. Après tout, ce genre est en partie issu de la culture 'meme' et n'est fait que d'une longue série de reproductions entrainant des variations, tout ça dans quinze directions simultanément, en ligne uniquement, du funk à l'ambient.

Pour en savoir plus, le mieux est encore que vous regardiez cette vidéo rassemblant les différentes facettes du genre.
Mais vous pouvez aussi vous plonger ici et  directement dans les ressorts politiques / idéologiques du vaporwave, oui oui.
Pour un récapitulatif sur les origines 'meme' et les nombreuses déclinaisons c'est ici.
Et pour ceux qui sont vraiment là pour la musique, ici vous avez une vidéo de plus de vingt minutes traitant par le menu la naissance, les influences, et le futur DES genres que sont finalement le vaporwave. 

WEEK 50/18 :
1. Luxury Elite - Salut
2. Nmesh - A Face Without Eyes / Byte By Byte
3. Blank Banshee - Teen Pregnancy
4. Macintosh Plus - 420
5. Saint Pepsi - Cherry Pepsi
6. Saint Pepsi - Enjoy Sourself
7. 2814 - 新宿ゴールデン街8.
8. Esprit - Summer Night
9. FrankJavCee - Vaportrap
10. Home - Resonance
11. Windows 95 startup Sound Slowed 4000%
12. Ment - 0023
13. Blank Banshee - Ammonia Clouds
14. VHS Logo - Dreams
15. Whitewoods - Misery Loves

12/12/2018

♫ La Carmagnole

"La barricade Saint-Antoine attaquait au nom de la Révolution, quoi ? la Révolution. Elle, cette barricade, le hasard, le désordre, l’effarement, le malentendu, l’inconnu, elle avait en face d’elle l’assemblée constituante, la souveraineté du peuple, le suffrage universel, la nation, la république ; et c’était la Carmagnole défiant la Marseillaise."
Victor Hugo - Sur les barricades de juin 1848 (Source)



La Carmagnole est un hit de la révolution française. Sortie en 1792, c'est à la fois un air, un chant et une danse. On la lie souvent aux sans-culottes, mais elle a été reprise à de très nombreuses occasions. Elle a parfois vu ses paroles modifiées et vous en avez une assez bonne présentation ici, avec les différents ajouts en fonction des époques.

Wiki nous dit qu'on dansa La Carmagnole "autour des guillotines, mais aussi devant l'Assemblée de la Convention et autour des 60 000 arbres de la Liberté que la République fit planter en France. On la dansa dans les rues jusqu'au Consulat et chaque fois que survint un soulèvement populaire." 

Malgré certaines références plus ou moins explicites à la Révolution de certains Gilets Jaunes, on ne peut pas dire que le mouvement se soit réellement approprié La Carmagnole. Ca ne m'a pas empêché d'avoir de bonnes surprises et d'autres moins bonnes... 

On commence avec une vidéo de Bassem Braiki. Pour que les choses soient claires, je ne partage pas les opinions que j'ai pu apercevoir sur sa chaine. Il a notamment sa petite vidéo conspi sur la tragédie de Strasbourg, ce qui en 2018 reste révoltant, mais devient surtout désespérant tant les conspis semblent parfois tenir la toile. Mais ça n'est pas le sujet ici. Dans une vidéo datée du 1er décembre et consacrée à l'ACT III des GJ, Bassem Braiki fait une analyse personnelle des erreurs stratégiques du gouvernement en matière de maintien de l'ordre. Il rappèle ensuite un certain principe d'égalité de tous les citoyens, et termine en saluant bien bas les Gilets Jaunes avant d'entonner La Carmagnole. Le récit de la révolution court dans de nombreuse têtes. 27 993 vues. C'est hélas bien moins que sa vidéo conspi...

Dans un registre un peu plus léger, j'ai collectionné quelques versions musicales :
- Une reprise sobre d'un Gilet Jaune, guitare chant, datée du 22 novembre.
- Une version prémonitoire diffusée en mai 2018 et sous-titrée 'La Macronienne'.
- Une version piano jouée en solidarité avec les Gilets par Monsieur Jack, un pianiste youtubeur anglais(?) qui reprend des classiques des révolutions. Celle-ci est datée du 10 décembre.
- Beaucoup d'autres versions existent, notamment dans un registre plus classiques. J'en conserve deux. Une version chantée, et une version instrumentale.

Je me suis permis de ralentir et remastériser cette dernière version pour qu'elle sonne un peu plus comme la BO de Harry Potter ;)


09/12/2018

Forum GJ



J’ai fait une visite dans un groupe de Gilets Jaunes sur Facebook. J’y ai croisé une vieille dame à lunette convaincue que les problèmes de la France viennent d’une loi sur la banque de France signée en 1973, la loi ‘Pompidou-Giscard-Rothschild’. « Mais réveillez-vous ! » m’écrit-elle.

Je viens de lui rentrer dans le lard et d’essayer d’expliquer que notre problème est dans la structure même de la société. Elle ne comprend pas et m’invite à nouveau à ouvrir les yeux en me renseignant sur cette loi. La petite histoire est connue et je sais que la fixation sur une seule loi comme source de nos maux signifie une recherche de causes ‘clé en main’. Je sais aussi que si la loi ‘Rothschild’ est visée, ça sent potentiellement le complotiste aigu voir l’antisémite. Mais ça n’est pas le cas. Elle ne pointe pas du doigt les boucs émissaires historiques de la droite et des paranos. J’essaie de poser le débat, de complexifier. C’est une erreur. Aider par d’autres, elle me répète qu’on me ment, que le réveil va être dur. Je perds patience. 

C’est vraiment la panade sur ce forum et je me demande si le choix de rejoindre le mouvement —notamment pour éviter qu’il soit squatté par les forces de la réaction — ne devrait pas également s’appliquer aux groupes FB des GJ. Parce que si le plus important pour l’instant c’est sans aucun doute de continuer à ouvrir la situation, ça peut vouloir dire ouvrir des canaux de discussions. 

Je connais suffisamment le sujet des complots et de leur présence en ligne pour affirmer une chose : On ne réglera pas le problème du complotisme chez les GJ à la manière des journalistes. Leur expliquer que ce qu’ils croient est faux ne nous mènera nul part. Il va falloir dialoguer plutôt que confronter.

On reconnait facilement les fachos en ligne, on arrive même à distinguer des nouveaux venus, les néo-réactionnaires et l’alt-right. C’est utile parce qu’il est évident qu’aucun dialogue ne peut être ouvert avec eux, donc autant que les choses soient rapidement claires. Mais c’est aussi utile pour distinguer en négatif ceux et celles qui ne s’accrochent à certaines idées bancales ou nauséabondes que pour avoir l’impression de comprendre ce qui leur arrive.

Si l’idée est effectivement de dialoguer et d'ouvrir, au risque de choquer, je pense qu’on doit élargir les enjeux pour distinguer des points d’accord primaires, trouver des concordances, abstraites, idéalement théoriques. Le plus large qu’on puisse faire c’est que « Nous nous battons tous pour l’avenir », mais on ne changera pas l’avis de grand monde en commençant par là. Voilà plutôt en exemple ce que j’aurais du dire à la vielle dame :
« Mais vous êtes contre l’oligarchie financière ? Moi aussi ! Laissez-moi vous poser quelques questions qui nous mettrons d’accord. »

J’aurais embrayé sur les questions de répartition de l’argent et du pouvoir, et nous avancions vers des réalités tangibles plutôt que des explications toutes faites.

Y a du boulot.

Ajout du 11/12 :
Tous ceux et celles avec lesquels j'ai échangé en ligne ont été cordiaux. Ceux qui avançaient l'immigration comme une priorité, via le Pact de Marrakech, l'ont fait sur une base économique, le "y a pas d'argent pour nous, y en a pas pour les autres". J'ai l'impression qu'on est très loin des tarés que j'ai l'habitude de croiser sur la toile. Et pourtant ils sont aussi du mouvement. Dans une vidéo j'ai vu un mec porter un gilet jaune flanqué de l'inscription 'Deus Vult, un cri de ralliement des croisés. 

08/12/2018

Playlist #WEEK49/18 - 'OSTOOL'

Original Soundtrack of Our Lives - Playlist un peu particulière puisque c'est à peu de chose près ma bande son pour les semaines historiques (?) que nous vivons. Le temps s'est arrêté alors que chaque instant semble devenir candidat à l'Histoire. Cette manif, cette bavure, ce gilet, cette revendication. Mais c'est bien la période toute entière qui réouvre les possibles et nous laisse suspendus à la lutte et à l'espoir rénové qu'elle porte en elle. Seulement l'espoir ne suffira pas.    

WEEK 49/18 :
1. Johan Johansson - The Cause of Labour is the Hope of the World
2. Patlabor II OST - Unnatural City
3. Unfinished Portraits - Stay
4. Blade Runne OST - Janpese Woman's Blimp Song
5. Jon Hassel - Last Night The Moon Came
6. Yet Still Night - Nocture for Orchestra
7. Unfinished Portraits - Leaving
8. Westworld OST - Full of Splendor
9. Lucinda Chua - Somebody Who
10. Jon Hassel - Timeless
11. Akira - Kaneda's Theme
12. Forest Swords - Crow
13. Bob Michel - L'Internationale


08/12/2018

Un dénominateur et l'autre




Le bruit court en ville que les gens de ce pays se seraient rencontrés et qu’ils s’entendraient à merveille.

Quelque chose les a poussé à occuper les ronds-points, à parler, à s’unir et aujourd’hui à se faire entendre dans toute la France. C’est une idée qu’ils ont désormais à l’esprit et en commun, entre eux et avec ceux qui les ont précédé. Ils pensent que l’inégalité et l’injustice sont des raisons de se soulever.

Ca n’a rien de nouveau mais il aura fallu attendre que chacun ait terminé de se faire frontalement humilier par l'orgueil d'un pouvoir en roue libre pour que ce sentiment intense ou ténu soit enfin perçu par tous pour ce qu’il est : la réalité de l’inégalité dans ce pays et le fanatisme économique de ceux à qui elle bénéficie.


« Seulement en France on fout le bordel pour ça, on est capable d’aller au bout et on a de l’imagination. » 

Le voilà le substrat du récit national tel que machinalement transmis par l’école de la République pendant des siècles à des enfants toujours plus nombreux et d’horizons variés. Une promesse de résistance, en l’honneur de ceux qui ont résisté avant nous face au népotisme d’une caste.

Et si c’est peut-être tout ce qu’il reste à opposer face à l’évidence que le pouvoir nous a grugé depuis trop longtemps, c’est déjà assez pour commencer à refaire de la politique.

07/12/2018

GJ : 3 analyses d'un bord (Lundi.am)




J'archive ici trois textes diffusés sur Lundi Matin (hebdo en ligne tendance Tarnac) entre le 1er et le 8 décembre 2018, soit pendant la semaine qui aura sans doute le plus radicalisé le mouvement des Gilets Jaunes, et transformé la situation en un évènement historique dont les conséquences seront nécessairement les fondations d'un tournant, même si on ignore encore lequel. 

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PROCHAINE STATION : DESTITUTION est une analyse brève et tranchante, et une invitation à comprendre l'ampleur du mo(uve)ment : 

"Soit nous parvenons dans les mois qui viennent à opérer la bifurcation nécessaire, soit l’apocalypse annoncée se doublera d’une mise au pas sécuritaire dont les réseaux sociaux laissent entrevoir toute l’étendue imaginable."

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LA CLASSE MOYENNE PEUT-ELLE ÊTRE RÉVOLUTIONNAIRE ? m'a mis une claque et je ne pense pas qu'un membre de la classe moyenne, d'en haut ou d'en bas, puisse rester de marbre face au miroir tendu par ce texte : 

"Le modèle érigé pendant des décennies comme la norme du bonheur, celui qui a légitimé le fait, répété des millions de fois, de bosser comme un connard pendant toute sa vie pour avoir une maison en banlieue et les bagnoles qui vont avec, ce modèle est maintenant non seulement dépassé, mais condamné. Telle est la grande tragédie de la classe moyenne d’aujourd’hui. Avant, on pouvait noyer l’ennui d’une telle existence dans un sentiment d’appartenance très fort, celui « de faire comme tout le monde ». Aujourd’hui – quand on n’a pas fait le choix d’en avoir rien à foutre de rien, non seulement on s’ennuie, non seulement on en chie, non seulement on vit sous pression, mais en plus on doit s’avouer qu’on a de toute façon tort de vivre comme ça. Naturellement, toutes les conditions sont réunies pour un pétage de plomb en règle."
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CONTRIBUTION À LA RUPTURE EN COURS complète les premiers textes avec une analyse large du mouvement, de ses composantes, de ces perspectives, et de ses leçons pour l'extrême gauche autant que pour les partis et les syndicats :  

"Paris est une émeute, mais Paris, aussi bien, est un leurre. Une vitrine spectaculaire. L’échelle du mouvement est locale. Nous espérons qu’elle le reste et multiplie ses points d’existence ainsi que les rencontres qui s’y tiennent. La généralisation de la perspective d’assemblées « populaires » locales, comme à Saint-Nazaire ou à Commercy, pouvant agréger d’autres groupes que les « gilets jaunes » mobilisés, irait dans ce sens. Cela demande des ressources, de l’énergie, de la force, de l’entraide. Des caisses de blocage, matérielles comme numériques, pourraient être mises en place. Politiquement, le rôle des associations amies et même des élus locaux favorables au mouvement est à déterminer, comme celui du passage à la nouvelle année."

06/12/2018

Vidéo : La danse de l'époque



Une vidéo réalisée par la danseuse Nadia Vadori-Gauthier pour sa performance Une minute de danse par jourC'est datée du samedi 1er décembre 2008 et tournée boulevard des Capucines dans le 9ème arrondissement de Paris. Il est 16h36 quand une manifestation de Gilets Jaunes vient se perdre par là, au milieu des 7940 grenades lacrymo lancées ce jour là dans la ville.  
La vidéo originale est ici. Et il me semble que la musique (France Gall - Baby pop 1965) est ajoutée par Mr.Propagande.

05/12/2018

La situation est ouverte


Nous n'aurons pas beaucoup d'opportunités. 

Personne ne sait ce qu'il va se passer et personne ne sait à quoi demain pourrait ressembler. 

Mais nous pouvons imaginer le futur, 
deux en fait : 

Le premier est écrit et cauchemardesque.
C'est la lente agonie de la démocratie de marché et le gavage des élites jusqu'à la fin et jusqu'au régime autoritaire. 

Le second c'est une idée, faite de principes vieux comme les sociétés humaines. 
Il ne peut ressembler au présent.

Venez, on a besoin de tout le monde. 


 
CAMARADES