25/02/2011

Libertalia numérique

Internet reste et restera - sans doute - un espace où on trouve de tout et où le partage avec les uns avec les autres règne en maitre. Les échanges y sont quasi-incontrôlables et élargissent le champ du possible. 

Internet est la possibilité d’une île. Un espace neutre sans représentation figée, sans régulation, sans frontières. Le lieu commun de toutes les libertés ; le repère volatile où, comme WikiLeaks aura su nous le démontrer, rien ne saurait être dissimulé. Il est la possibilité d’une évasion au milieu du système. Une Zone Autonome Temporaire, éphémère et permanente ; sauf-conduit où transitent sans censure les discussions sulfureuses de 4Chan ; où cohabitent les égos et les idéaux sans besoin de les codifier ; où se bâtissent des projets et des utopies à la seul force de l’envie et de l’enthousiasme.

Un espace qui fait peur au pouvoir

Alors évidemment Internet est une cible. Toutes les politiques sécuritaires, qu’elles soient de gauche comme de droite, du Nord comme du Sud, vous le diront. Ce terrain vague numérique où coexistent toutes les idées, toutes les aspirations et toutes les velléités est un danger pour la sécurité des États et des peuples nous dit-on. Car y circulent librement les informations, hors de tout contrôle. N’importe quel abruti de quinze ans un peu dégourdi peut se déclarer hacker, rejoindre un groupement de terroristes numériques qui se fait appeler “Anonymous” et prétendre défendre la liberté d’expression. Vous imaginez le foutoir ?

Comme cette situation s’avère être dangereuse pour l’ordre mondial, et par conséquent inacceptable, partout Internet se doit d’être bridé, limité, et minutieusement observé. Tous les paquets suspects seront tracés, analysés pour votre sécurité. En Chine, des salariés sont rémunérés pour s’adonner à la censure des sujets “sensibles” ; en France, la loi autorise le pouvoir à injecter des données espionnes sur le réseau. A l’instar de ce qui se passe dans le monde “réel”, le système voudrait obtenir le contrôle de ce nouveau monde dématérialisé où la liberté d’expression n’est pas un mot vain, pouvoir choisir ce qu’il s’y entend, ce qu’il s’y échange et ce qu’il s’y dit.

Parce qu’elle est un espace de liberté où ne siègent ni lois, ni codes moraux, ni assemblée décisionnelle, cette île numérique devient une cible. Le succès du réseau lui vaut de s’attirer les foudres de ce monde autour qui, bien que régit par l’ordre, les systèmes, et la diplomatie, ne parvient pas lui-même à trouver la paix des idées. Au final, Internet souffre de ce qu’on veuille le comparer toujours aux recettes et aux mécanismes qui ont fait l’Histoire de l’humanité passée. L’omniprésence et la permanence libertaire permise par le miracle du web enfreint toutes les règles jusque-là établies et offre le choix à tout un chacun d’y bâtir son univers.

Internet est insondable. Nous n’en voyons finalement, comme de l’iceberg consacré, que la partie émergée. Un espace uniforme composé de quelques services leaders, et une foule d’individualités greffées sur, ou au sein, de ceux-ci. Google, Facebook, Twitter, MSN, Ebay, comme Michael Jackson ou John Wayne, sont des marques qui ont su s’imposer dans les esprits des deux milliards de personnes connectées quotidiennement au web en 2010.

Incontrôlable par essence, c’est un média ubique entre les êtres humains, où tout un chacun peut à loisir se répliquer, se volatiliser et réapparaître. Il permet la multiplicité des formes et des supports pour de mêmes messages. Laissant cohabiter de la fiction écrite par des fans de Justin Bieber pour assurer la gloire de leur idole, avec l’ensemble des cours sur la Grèce antique dispensés dans la célèbre université américaine de Princeton en passant par la formule permettant de fabriquer du Napalm. On trouve de tout sur Internet, sans distinctions morales, sans classement par ordre d’importance, et dans toutes les langues.

Un nouveau système de pensée

Il est la possibilité d’une véritable liberté, réussissant là où tous les autres modèles ont échoué : l’auto-régulation. Car contrairement aux idées reçues, si la liberté sur le web n’est pas l’absence de contraintes, elle correspond beaucoup plus à la création et la réinvention perpétuelles des codes qui le régissent. Internet se compartimente spontanément, laissant tout le loisir des extrêmes à 4Chan, des interactions sociales à Facebook, et du partage du savoir à Wikipedia. Sans tyrannie aucune, si ce n’est celle du bien commun, si bien décrite finalement par la célèbre marque de fabrique de Google : “Don’t do evil”. Il trie, compartimente et range les informations, les personnalités et les collaborations selon ses propres modèles, en perpétuelle réinvention.

Sur Internet tout s’invente, même la liberté. Alors nécessairement, la tentation est forte d’y apposer les lois, les règles, les diktats de notre chère troisième dimension. Mais tout s’y oppose naturellement parce qu’Internet est plus qu’un réseau : il est un nouveau modèle de pensée, un système qui n’aspire pas au contrôle mais plutôt à l’ouverture à l’échange universel. Les règles y apparaissent et y disparaissent sans remords, sans besoin d’une action extérieure et explicite, ne répondant qu’au besoin d’évolution et de préservation de cette “société alternative”.

Finalement, Internet, c’est la possibilité d’une île. D’un delirium libertaire ici et maintenant. Un banc de terre perdu sur un océan d’identités, de différences et de conflits, qui comme ses alter-egos de la troisième dimension se trouvent menacées par la bêtise humaine, les raccourcis et l’avidité. Internet c’est la preuve que d’autres idées et d’autres mondes sont possibles, si on se donne une chance de les envisager comme autant d’îles.

Billet publié initialement sur Mon écran radar sous le titre Internet ou la possibilité d’une île

Publié le 25 février 2011 par Théo Crevon sur OWNI.fr
http://owni.fr/2011/02/25/libertalia-numerique/ 

25/02/2011

Le conditionnement publicitaire : il fait quoi pour vous aujourd’hui ?

On connaissait la publicité clandestine fonctionnant au « placement de produit ». Une étape supplémentaire est désormais franchie : le placement de produit politique. Entre deux tranches de réclame publicitaire au discours modernisé, vous reprendrez bien une part d’interview avec un ancien ministre ? Tout cela au service de l’information, cela va sans dire...
En juin 2010 sortait le premier numéro de Brand’s, distribué via l’enseigne Monoprix. Brand’s se présente alors, d’après l’éditorial (rédigé par le directeur du marketing de « l’offre Monoprix »), comme un « magazine ». Mieux : comme un magazine d’ « information », concernant les marques et les produits. Une information délivrée par... les marques elles-mêmes, qui financent ledit magazine, assurant sa gratuité pour l’heureux consommateur. Derrière Brand’s, tiré à un million et demi d’exemplaires, on trouve la société TradeMag, spécialisée dans la communication de la grande distribution, et plus particulièrement Henri Baché, vieux routier du milieu publicitaire et auteur de quelques campagnes à succès [1].


L’habillage éditorial de la promotion publicitaire

On pourrait s’amuser à décortiquer l’éditorial de présentation, sorte de concentré du discours publicitaire contemporain, expert dans le froncement de sourcils éthique et la promotion d’un capitalisme repeint aux couleurs pastel : cool, ludique, responsable. Cependant, l’essentiel n’est pas ici d’analyser le discours publicitaire lui-même. L’exercice est désormais bien rodé. D’ailleurs, il ne s’arrête pas au contenu du discours, ni à l’imaginaire qu’il développe (productivisme, consumérisme, conformisme sous couvert de différenciation, etc.), mais porte aussi sur ses conditions de production, sur les pratiques qui le concrétisent, etc. [2]

Bien sûr, ce contenu n’est nullement négligeable. On sait que généralement la publicité flatte ou entretient divers stéréotypes et préjugés sociaux et qu’elle véhicule volontiers des valeurs peu portées à l’émancipation, pour le dire d’un euphémisme... Ce support n’échappe pas à la règle. Le familialisme en général (l’importance disproportionnée et l’image par principe favorable accordées à la famille dans la vie sociale), et l’équation prétendument « naturelle » entre féminité, maternité et gestion domestique en particulier, sont par exemple à l’honneur. La publicité de telle marque propose ainsi ingénument un « petit problème de calcul pour une maman » pour mieux économiser sur le lait en poudre de « son » bébé... De manière générale, l’impact de la publicité sur les représentations et les pratiques sociales n’est pas une question anodine, surtout depuis que les publicitaires ont convoqué les neurosciences pour donner naissance à l’hybride inquiétant qu’est le « neuromarketing » [3].

Il n’est, dès lors, pas sans intérêt de se pencher sur les métamorphoses de ce discours. On pourrait, au passage, discuter de la pertinence d’en parler au singulier, en postulant son homogénéité. On peut en effet déceler différents registres de discours, plusieurs types de mises en scène, auxquels correspondent autant de tactiques d’accroche. Reste que Brand’s déploie une stratégie globalement partagée par les « marques ». Il s’agit de proposer non des publicités classiques, mais des annonces « informatives », faites non seulement de slogans mais aussi de textes longs. Il s’agit par là d’anticiper ou de répondre aux critiques qui font obstacle à l’achat : tel produit réputé trop calorique serait en fait bon pour la santé, tel autre se déclare « solidaire » des « petits producteurs » et partisan du « développement durable », etc. Bref, Brand’s est le support d’un renouvellement de la stratégie de communication des entreprises. Celles-ci prétendent ici dévoiler un pan des coulisses, mettre en avant une fibre philanthropique, nouer un rapport de confiance qui dépasserait la seule transaction marchande, etc. On voit ici à l’œuvre un effort d’intégration de la critique. Une intégration qui s’ajuste à un public ciblé, considéré comme idéalement réceptif à ce type de discours « rénové » [4].

Quoi qu’il en soit, rien d’étonnant à ce que les firmes fassent l’apologie de l’idéologie marchande et de la figure modernisée du consommateur éclairé ; ce dernier étant évidemment présenté non comme la cible d’une stratégie, mais comme le véritable « maître du jeu », dont on flatte la capacité de discernement et l’indépendance de jugement [5].

Pour l’occasion, une variante des sciences humaines et sociales frelatée par un utilitarisme bas de gamme est appelée à la rescousse. Il est question, dans le n° 2, d’une « socioculture de la consommation » qui valait bien qu’une psychosociologue de la consommation soit de la partie. Elle cosigne un texte explicatif dans lequel sont livrés les présupposés du projet : Brand’s se veut « une réponse marketing à la nouvelle socio-culture des consommateurs », un « média relationnel pour un meilleur transactionnel » [6].

Jargon mis à part, le discours publicitaire reste, y compris dans ses métamorphoses, fidèle à sa vocation : rien de très surprenant. L’intérêt essentiel est donc ailleurs. C’est que Brand’s se veut autre chose qu’un catalogue publicitaire, fût-il sophistiqué. Il revendique l’appellation, qui n’est pas anodine, de « magazine ».

Se pose alors la question des effets de ces supports qu’on hésite à appeler « médiatiques » et qui entretiennent plus ou moins habilement la confusion entre information, communication et divertissement. Il y a plus de vingt ans, dans son étude de l’ « Internationale publicitaire », Armand Mattelart signalait combien l’expression médiatique tendait à se conformer à des canons esthétiques et sémantiques issus de la publicité en s’en trouvant remodelée non seulement formellement, mais aussi en profondeur [7]. Le processus n’a fait depuis que s’amplifier [8], mais ici le phénomène est, en quelque sorte, inverse. La légitimation de cet organe de diffusion passe par son rapprochement, au moins superficiel, vis-à-vis du format d’un magazine ordinaire. Le conditionnement publicitaire passe pour partie par un discours de type éditorial qui prétend informer, avertir, voire inviter le lecteur à la vigilance ; ce lecteur qui, on l’a vu, n’est pas dépeint comme un simple consommateur passif, mais comme « curieux de la vie, de la culture, de la société » [9].

L’éditorial du deuxième numéro nous l’assure : « Ce concept de magazine, après l’effet de surprise, a été jugé intéressant, pertinent, original ». Un « concept », rien de moins ! Il y a vingt ans, Deleuze et Guattari l’avaient annoncé et dénoncé : « le fond de la honte fut atteint quand l’informatique, le marketing, le design, la publicité, toutes les disciplines de la communication, s’emparèrent du mot concept lui-même, et dirent : c’est notre affaire, c’est nous les créatifs, nous sommes les concepteurs ! » [10]. À en croire les supports spécialisés, Brand’s ne serait ni un catalogue de produit présenté comme un magazine (un « magalogue »), ni un magazine destiné au consommateur d’une marque (un « consumer magazine ») ni un « produit » intermédiaire. Mais quoi, exactement ?

Le flou sur l’identité se vérifie... même chez l’entreprise à l’origine de Brand’s. Dans un document de présentation de vingt pages, on y lit sous la plume d’un consultant de TradeMag que Brand’s est et n’est pas un magazine, d’où des guillemets pour mettre tout ça en cohérence [11].

Le document livre au passage quelques postulats dans une rhétorique plus franche, sur le double mode de la victimisation et de la contre-attaque, voire de la légitime défense. On y lit, entre autres, que « Trop souvent, l’information s’inscrit dans un esprit polémique par des lobbies anti-marques ». D’où l’intérêt bien compris de livrer une « information utile, positive, optimiste » – on remarquera au passage qu’un singe incarne visiblement l’esprit « positif »...

Le mélange des genres a dû quelque peu heurter, puisque dans le deuxième numéro, l’éditorial se sent obligé de préciser : « Nos lecteurs ont su faire la part des choses entre une publicité classique et une tonalité éditoriale informative ». Un gros effort est nécessaire pour ne pas voir là une antiphrase, cette figure de style consistant à employer une expression dans le sens contraire du sens véritable... La frilosité de certaines « marques » devant cette initiative est ainsi évoquée à mots feutrés. On peut en effet remarquer que, alors que la campagne de présentation annonçait une parution mensuelle, seuls deux numéros (juin puis décembre 2010) étaient parus en février 2011. Le prix (35000€ HT la simple page, 65000€ HT la double page) serait-il jugé excessif ?

En tout cas, le meilleur est à venir : car c’est à un autre type de discours dépassant le périmètre restreint de l’annonce commerciale, un discours plus frontalement politique, que Brand’s sert de caisse de résonance, ceci comme par incidence, mais avec une certaine force de frappe vu l’ampleur de la diffusion.

Messages politiques par la bande

Le déguisement d’un magazine publicitaire en magazine dont la « tonalité éditoriale » serait « informative » commande de recourir à des procédés journalistiques. Pour ressembler à un « vrai » magazine, un exercice s’impose : celui de l’interview. Brand’s s’adjoint pour cela les services d’une figure connue de la télévision : le journaliste puis animateur et producteur Philippe Gildas. Passons sur les interviews de complaisance avec les « vedettes » (« Est-ce que tu as des lecteurs ou des lectrices qui te font le reproche parfois d’une écriture trop riche ? », demande, visiblement sans rire, Philippe Gildas à Katherine Pancol...) : le plus embarrassant est à vrai dire que le chassé-croisé des styles fait qu’on se demande si un tel entretien est substantiellement pire que celui qu’on aurait pu lire dans bien des revues « classiques »...

Le plus intéressant réside dans les interviews « politiques ». Elles distinguent Brand’s d’un « vulgaire » catalogue publicitaire. Or, ces interviews permettent, mine de rien, de diffuser des messages d’autant plus discrètement que le support est censé se borner à la dimension commerciale.

Luc Ferry est ainsi longuement interviewé dans le premier numéro, sur six pages pleines (entrecoupées, évidemment, de publicités), sous le titre « L’homme de la vie bonne ». Bien des passages pourraient être relevés [12]. Luc Ferry fustige ainsi, tour à tour, la crispation idéologique des enseignants ou l’égarement farfelu des partisans de la décroissance. On se contentera ici d’un petit florilège non exhaustif, directement en lien avec la critique des médias.

Opération préalable de l’interview : le déminage. On apprend que l’ancien ministre de l’Éducation nationale et de la recherche (2002-2004), membre de maints conseils et comités officiels, n’a « jamais fait de politique de [s]a vie » :
- Philippe Gildas : Question préalable, Luc Ferry, qui êtes-vous ? Un enseignant ? Un philosophe ? Un homme politique ? Un éditeur ? Un journaliste ?
- Luc Ferry : Non, un écrivain c’est tout ! Un homme politique, certainement pas, j’ai été ministre pendant deux ans mais je n’ai jamais fait de politique de ma vie. C’est vrai, on est venu me chercher pour me proposer ce poste de ministre. Je sais que ça fait toujours sourire quand je dis ça. C’est la vérité, je n’ai jamais été engagé en politique d’aucune manière. Je n’ai jamais appartenu à un parti, ni été militant d’aucune façon. Je ne suis donc certainement pas un politique. (...)
Ce déni forcené fait d’une pierre deux coups. Il profite aussi à Brand’s, qu’on ne saurait bien sûr, après une si robuste récusation, accuser de biais partisan... Sur ce plan, nous le verrons, le magazine des marques sollicitera pour son deuxième numéro Claude Allègre, autre ancien ministre de l’Éducation et de la recherche (1997-2000) du temps de la « gauche plurielle », conformément sans doute à ce que les éditeurs se représentent être un équilibre entre la droite et la gauche [13].

Revenons à Luc Ferry qui, rappelons-le, n’a « jamais fait de politique » de sa vie…
- Philippe Gildas : La démocratie reste encore l’un des meilleurs régimes ?
- Luc Ferry : (…) Il est assez frappant de voir que les Premiers Ministres qui ont le plus souvent échoué sont ceux qui ont été les plus courageux, les plus intelligents : ceux qui ont eu le courage de prendre l’opinion publique à contre-pied parce qu’ils avaient raison et qu’ils défendaient l’intérêt général. Regardez Juppé en 1995 : tout le monde reconnaît que sa réforme du système social français est bonne, mais il est éjecté assez rapidement, parce qu’il s’oppose à la rue. Prenez aujourd’hui la question des retraites. On voit bien que si on vit vingt ans de plus, il faut cotiser plus longtemps, sauf si on veut baisser le niveau des pensions, ou augmenter le taux des cotisations. On a aussitôt toute la gauche qui intervient pour dire qu’il faut faire payer les riches ou taxer les banques, alors qu’elle sait que ça ne résoudra pas le problème. On ne sauvera pas les retraites sans prendre des mesures qui seront impopulaires, comme de cotiser cinq années de plus. Tout le monde le sait, personne ne peut le nier, et on n’y arrivera peut-être pas. C’est ça qui est très frappant dans la politique, quand la démagogie l’emporte sur l’intérêt général. (…)
Le contexte de cette interview – pleine à ras bord, donc, de présupposés, d’options et d’assertions éminemment politiques – n’est pas innocent : l’entretien est rendu public en juin 2010, alors que la lutte autour de la question des retraites bat son plein. Mais allons : seuls des esprits paranoïaques pourraient y voir un moyen astucieux de peser sur les représentations sociales, et par extension sur le débat public !
Le dialogue relatif aux médias n’est pas moins édifiant. Le ministre et l’animateur expriment en effet un sens du pluralisme des sensibilités fort étriqué :
- Philippe Gildas : (…) on trouve votre signature dans des quotidiens aux opinions très contrastées.
- Luc Ferry : J’ai toujours pensé qu’il fallait discuter avec tout le monde et qu’il fallait s’exprimer sur les choses publiques quand on a, ou qu’on croit avoir quelque chose à dire. Je peux écrire dans Le Monde tout autant que dans Le Figaro.
On appréciera le sens du « contraste » de nos deux interlocuteurs. Si ces deux quotidiens ont assurément des lignes éditoriales distinctes, les faire passer pour deux pôles extrêmes du champ journalistique paraît pour le moins audacieux...

Dans le numéro 2, le sous-titre évoque désormais un exercice ventriloque (« le magazine qui fait parler les marques »), illustré par l’image d’une femme en pâmoison devant la séduction de la parole publicitaire. Une couverture qui emprunte ses codes aux magazines féminins ; l’identité de magazine est du reste réaffirmée. L’éditorial joue à nouveau sur la corde éthique, en enfilant des mots-clés qu’on croirait tirés d’un répertoire du progressisme : « Ce sont elles [les marques] qui innovent, qui investissent dans l’amélioration des produits, dans la diététique, dans le bio. Ce sont elles qui démocratisent la qualité, qui communiquent les progrès, qui permettent la diversité, qui ouvrent le chemin et permettent aux marques de distributeurs d’exister ». On notera tout de même un essoufflement notable en fin de phrase, le naturel revenant au galop.

Comme on l’a déjà indiqué, c’est ici Claude Allègre qui, après Luc Ferry, occupe le devant de la scène. Glissons au passage que le choix de ces deux anciens ministres n’apparaît pas innocent dans le contexte actuel de soumission du système de l’enseignement supérieur et de la recherche au dogme de l’ « innovation », laquelle est l’un des mots-clés (et des mots d’ordre) du discours publicitaire présent. Les deux hommes sont en effet connus pour être des partisans résolus du rapprochement entre l’univers scientifique et celui des entreprises privées. Et ce n’est certainement pas un hasard si la santé et l’environnement, constitués dans ces publicités comme des sujets de préoccupation, figurent parmi les thèmes prioritaires assignés à la recherche...

Claude Allègre peut en tout cas s’en donner à cœur joie. Le titre de l’interview (toujours menée par Philippe Gildas) annonce assez clairement la couleur : « Je suis écologiste, pas écolo-maniaque ». Là encore, bien des passages pourraient être commentés : affirmations à l’emporte-pièce, ton tantôt prophétique et tantôt « décliniste » mais toujours suffisant (« Si vous avez de bonnes rentrées aujourd’hui, c’est grâce à moi. ») avec même deux tentatives pour ressusciter le spectre moribond du soviétisme. Tout n’est d’ailleurs pas sans intérêt. Ce qui importe est que cette longue interview est en tout point politique (il y est question des retraites, de la laïcité, etc.), y compris sur le plan symbolique, lorsque l’interviewé trace les frontières du légitime et de l’illégitime : il se place ainsi dans le camp des « raisonnables » en matière d’écologie, rejetant par là même ses adversaires dans le camp des fanatiques ou des imbéciles. Le moins que l’on puisse dire est que son interlocuteur n’est pas un contradicteur. Il lui sert volontiers la soupe, à l’image de cet échange révélateur, hymne à la suppression des postes dans la fonction publique et à la compétition entre territoires :
- Philippe Gildas : Un mot de l’Éducation nationale, votre seconde passion, après la planète : le mammouth est toujours vivant ?
- Claude Allègre : (...) Il ne faut pas supprimer le ministère de l’Éducation mais il faut qu’il devienne un tout petit ministère d’orientation, d’impulsion, avec peu de monde. Que chaque région se débrouille et il y aura une émulation entre elles. Je ne touche pas à l’égalité, car l’égalité cela n’existe pas. (...)
Bref, sous couvert d’interviews à la bonne franquette, pas forcément pires d’ailleurs que celles qu’on pourrait lire dans des journaux censément plus respectables, Brand’s délivre des messages politiques, clairement orientés.

Les responsables politiques « officiels » n’en ont d’ailleurs pas le monopole. Dans ce même numéro, le consommateur a droit aux élucubrations du comédien Fabrice Luchini, moquant et pourfendant pêle-mêle Jean-Luc Mélenchon, tenant supposé d’une « dictature du prolétariat marxiste », le Communisme (avec un grand C, comme le grand méchant Loup ?) et « l’idéologie hallucinante du Parti socialiste », tout en donnant quelque crédit à Dominique Strauss-Kahn, incarnation du « Parti socialiste normal et avant de s’autodésigner, finalement, comme « anarchiste absolu »...

De même, au travers de l’interview du Président d’Unilever France, Brand’s livre des messages d’une portée politique plus large, suggérant les joies du salariat, la beauté de la vie en entreprise et la bonhomie de ces patrons présentés comme des gens « comme vous et moi ». Ceci au moyen d’un discours d’une apparence habilement équilibrée, typique de ce que des sociologues ont caractérisé depuis une bonne décennie comme le « nouvel esprit du capitalisme », soit un pan essentiel de l’idéologie dominante contemporaine [14]. Le chapeau de l’interview l’illustre parfaitement : « Nous rencontrons Bruno Wilvoët dans les bureaux d’Unilever France. C’est lui-même qui vient nous chercher à l’accueil. Ce qui frappe le plus est sa décontraction sportive et sa simplicité. Il nous conduit dans un open space qu’il partage avec ses collaborateurs, symbole d’une volonté d’échange et de dépassement des contraintes hiérarchiques ». Le reste de l’interview, qui regorge de bons sentiments, est à l’avenant.

On connaissait la publicité clandestine sous forme de « placement de produit », nouvel avatar de la « réclame » d’antan. Ici, sans avoir l’air d’y toucher, une discrète propagande politique est diffusée par la bande, sous couvert de publicité, de divertissement et d’information.

Notes

[1] Sans surprise, la presse la plus proche des milieux d’affaires relayait la nouvelle plusieurs mois avant la sortie : Ph. Larroque, « Monoprix lance un magazine à 1,5 million d’exemplaires », LeFigaro.fr, 15/01/2010. Les citations ultérieures de Henri Baché sont tirées de cet article. Les deux numéros de Brand’s parus jusqu’ici peuvent être consultés et téléchargés sur cette page.
[2] Lire par exemple : Groupe Marcuse, De la misère humaine en milieu publicitaire, La Découverte, rééd. 2010.
[3] Lire de Marie Bénilde, On achète bien les cerveaux. La publicité et les médias, Raisons d’agir, 2007. Un extrait ici-même.
[4] « Monoprix, c’est le haut de gamme du "mass market", une enseigne fréquentée par des CSP+, où, en termes de mentalités et socio-culturels, on trouve les clients les plus innovateurs, les plus "bio-citoyens"... », selon Henri Baché.
[5] « Ce magazine est conçu avec les marques, il est financé par les marques. Acte commercial mais signe d’attention et de respect. Parce que le maître du jeu c’est vous. » (Éditorial, n° 1, juin 2010, p. 3).
[6] Ce texte, qui mériterait d’être intégralement recopié et épluché à lui seul, est téléchargeable via ce lien.
[7] A. Mattelart, L’Internationale publicitaire, La Découverte, 1989.
[8] Cette question avait d’ailleurs fait l’objet d’un « jeudi d’Acrimed » en 1999 avec Marie Bénilde, voir ici même.
[9] Éditorial, n° 1, juin 2010, p. 3. « Nous voulons un magazine où les marques prennent la parole sous forme éditoriale, expliquent le pourquoi, le comment, les raisons d’un nouveau produit à des consommateurs éclairés, lucides, critiques et à la recherche de l’utile », expliquait Henri Baché dans l’article du Figaro déjà cité.
[10] G. Deleuze, F. Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, éd. de Minuit, 1991, p. 15.
[11] « TradeMag crée un véritable nouveau média. Il a la forme d’un magazine, le goût d’un magazine, mais ce n’est pas un magazine ! Un média 100% communication informative efficace, dédié à l’innovation des grandes marques. Le seul "magazine" 100% communication éditoriale. » Ce document peut-être téléchargé via ce lien. On conseille fortement au lecteur de le télécharger pour mieux comprendre ce dont il est question ici.
[12] On peut apprécier par exemple cette très pédagogique analogie politico-dentaire : « Les qualités qui conviennent à la conquête du pouvoir, pour reprendre les catégories de Léon Blum qui distingue entre conquête et exercice, sont généralement assez contraires à celles qu’il faudrait pour l’exercer. En clair, pour conquérir le pouvoir il faut être démagogue, et pour l’exercer, il faudrait être courageux. C’est un peu comme chez le dentiste ». De Jean Jaurès à Guy Môquet en passant par Léon Blum, l’usage droitier des grandes figures de la gauche française est décidément dénué de scrupules...
[13] Notons que Luc Ferry mentionne nommément Claude Allègre à la fin de l’interview, ce qui est peut-être à l’origine de ce choix pour le numéro suivant. Ce dernier lui rend la politesse dans sa propre interview, en le citant sur un mode mélioratif.
[14] Pour une introduction récente, lire de Luc Boltanski : Rendre la réalité inacceptable – à propos de « La production de l’idéologie dominante », Demopolis, 2008.


Publié le 23 février 2011par Grégory Salle sur Acrimed

25/02/2011

Paris-Texas, une proposition politique des mis en examen de Tarnac

"Printemps des peuples arabes", "révolution en marche", "transition démocratique", "fin de la dictature". Les grandes machines discursives sont de sortie. Il n'en faut pas moins pour parvenir à présenter le renversement des régimes pro-occidentaux du Maghreb comme de nouvelles victoires de l'Occident, et le triomphe inespéré de ses valeurs.
La fièvre révolutionnaire qui s'est récemment emparée des plus prudents éditorialistes témoigne d'abord de l'intense réaction immunitaire à quoi l'événement accule le discours dominant. On répond par un violent accès d'orientalisme à la nécessité de disposer, au plus vite, entre nous et les bouleversements en cours, un solide cordon sanitaire. On s'émerveille de ces "révolutions" pour mieux esquiver les évidences qu'elles nous jettent au visage pour mieux dissoudre le trouble qu'elles suscitent en nous.

Faut-il qu'elles soient précieuses, les illusions qu'il s'agit d'ainsi préserver, pour que l'on se répande partout en pareilles apologies de l'insurrection, pour que l'on décerne la palme de la non-violence à un mouvement qui a brûlé 60 % des commissariats égyptiens. Quelle heureuse surprise de soudain découvrir que les principales chaînes d'information sont entre les mains des amis du peuple !

Or voilà : si les insurgés de l'autre côté de la Méditerranée disent : "Avant, nous étions des morts-vivants. A présent, nous nous sommes réveillés", cela signifie en retour que nous, qui ne nous insurgeons pas, nous sommes des morts-vivants, que nous dormons. S'ils disent : "Avant, nous vivions comme des bêtes, nous vivions dans la peur. A présent, nous avons retrouvé confiance en nous, en notre force, en notre intelligence", cela signifie que nous vivons comme des bêtes, nous qui sommes si évidemment gouvernés par nos peurs.
Ceux qui peignent aujourd'hui aux couleurs les plus lugubres l'impitoyable dictature de l'atroce Ben Ali ne le trouvaient-ils pas hier encore si fréquentable ? Il faut donc qu'ils mentent aujourd'hui, comme ils mentaient hier. Le tort de Michèle Alliot-Marie réside d'ailleurs là : avoir dévoilé en quelques phrases à l'Assemblée nationale que, derrière tant de dissertations d'écoliers sur la différence entre leurs dictatures et nos démocraties, se cache la continuité policière des régimes; en quoi les uns sont certes plus experts et moins grossiers que les autres.

On peut détailler ad nauseam la brutalité de la répression sous Ben Ali. Il n'en reste pas moins que les doctrines contre-insurrectionnelles – l'art d'écraser les soulèvements – sont désormais la doctrine officielle des armées occidentales, qu'il s'agisse de les appliquer en banlieue ou dans les centres-villes, en Afghanistan ou place Bellecour à Lyon. Le feuilleton hebdomadaire des petits mensonges et des misérables combines de Mme Alliot-Marie ne saurait effacer le véritable scandale : avoir traité de "situation sécuritaire" une situation révolutionnaire. Si nous n'étions pas occupés à tresser des couronnes de jasmin ou de lotus aux révoltes du Maghreb, peut-être n'aurions-nous pas déjà oublié que Ben Ali, quatre jours avant de disparaître dans les poubelles de l'histoire, avait parlé des émeutes de Sidi Bouzid comme d'"impardonnables actes terroristes perpétrés par des voyous cagoulés". Ou que son successeur a cru apaiser la colère du peuple en annonçant comme première mesure l'abrogation de "toutes les lois antidémocratiques", à commencer par les lois antiterroristes.

Si nous refusons de tenir pour miraculeux l'enchaînement qui mène de l'immolation de Mohamed Bouazizi à la fuite de Ben Ali, c'est que nous refusons d'admettre comme normale, à l'inverse, l'indifférence feutrée qu'a partout rencontrée pendant tant d'années la persécution de tant d'opposants. Ce que nous vivons, nous et une certaine jeunesse politisée, depuis trois ans, y est certainement pour quelque chose. Dans les trois dernières années, nous dénombrons en France plus d'une vingtaine de camarades qui, toutes tendances confondues, sont passés par la case prison, dans la plupart des cas sous prétexte d'antiterrorisme et pour des motifs dérisoires – détention de fumigènes, introduction de glu dans des distributeurs de billets, tentative ratée d'incendie de voiture, collage d'affiches ou coup de pied.

Nous en sommes arrivés en janvier au point où la magie du signalement sur le fichier des "anarcho-autonomes" a mené une jeune femme en prison – pour un tag. Cela se passe en France, et non en Russie, et non en Arabie saoudite, et non en Chine.

Chaque mois désormais, nous apprenons qu'un nouveau camarade a été prélevé en pleine rue, que l'on a intimé à telle amie, après bien d'autres, de devenir indic en échange de l'impunité ou d'un salaire ou de conserver son poste de professeur, que telle connaissance a, à son tour, basculé dans la dimension parallèle où nous vivons désormais, avec ses cellules miteuses, ses petits juges pleins de haine rentrée, de mauvaise foi et de ressentiment, avec ses insomnies, ses interdictions de communiquer, ses flics devenus des intimes à force de vous épier. Et l'apathie qui vous gagne, l'apathie de ceux qui vivent "normalement" et s'étonnent, l'apathie organisée.

Car c'est une politique européenne. Les rafles régulières d'anarchistes en Grèce ces derniers temps le prouvent. Aucun régime ne peut renoncer au broyeur judiciaire, quand il s'agit de venir à bout de ce qui lui résiste. La culpabilité est une chose qui se produit. Comme telle, c'est une question d'investissement, financier, personnel. Si vous êtes prêt à y mettre des moyens hors normes, vous pouvez bien transformer une série de faux procès-verbaux, de faux témoignages et de manœuvres de barbouzes en dossier d'accusation crédible.
Dans l'affaire dite de Tarnac, la récente reconstitution de la nuit des sabotages, si longtemps réclamée par la défense, en a administré le plus bel exemple. Ce fut un de ces moments d'apothéose où éclate, jusque dans les détails les plus infimes, le caractère de machination de toute vérité judiciaire. Ce jour-là, le juge Fragoli a su occulter avec art tout ce qui démontre l'impossibilité de la version policière. Il devenait subitement aveugle dès que l'indocile réalité contredisait sa thèse. Il a même réussi à mettre les rédacteurs du faux PV de filature à l'abri de la contradiction, en les dispensant d'être là. Et cela était en effet superflu, puisque tout ce petit monde s'était déjà transporté sur les lieux, une semaine auparavant, en privé et en douce.

A dire vrai, qu'il ait fallu contrefaire la reconstitution suffit à montrer que le procès-verbal lui-même était contrefait. C'est sans doute cela qu'il a fallu abriter des regards en bouclant la zone par des murs de gendarmes appuyés de brigades cynophiles, d'hélicoptères et de dizaines de brutes de la sous-direction antiterroriste.

A ce jour, il en aura coûté quelques millions d'euros pour transformer en instruction bien ficelée des fantasmes de flics. Il importe peu de savoir à qui, pour finir, on imputera les actes qui furent le prétexte de notre arrestation. Quant à nous, nous plaignons d'ores et déjà le tribunal qui aura à faire passer pour du terrorisme la pose de quelques innocents crochets, maintenant que bloquer les flux est devenu le moyen d'action élémentaire d'un mouvement de masse contre la réforme des retraites.

Le silence frileux des gouvernants européens sur les événements de Tunisie et d'Egypte dit assez l'angoisse qui les étreint. Le pouvoir tient donc à si peu. Un avion décolle et c'est tout un édifice de forfaiture qui tombe en miettes. Les portes des prisons s'ouvrent. La police s'évanouit. On honore ce qui hier encore était méprisé, et ce qui était l'objet de tous les honneurs est maintenant sujet à tous les sarcasmes. Tout pouvoir est assis sur ce gouffre. Ce qui nous apparaît, à nous, comme démence sécuritaire n'est que pragmatisme policier, antiterrorisme raisonné.

Du point de vue du gestionnaire de situations sécuritaires, l'ordre public n'aurait jamais été ébranlé, et Ben Ali serait encore tranquillement président, si l'on avait réussi à neutraliser à temps un certain Mohamed Bouazizi.
C'est à l'évidence, dans les banlieues comme dans les mouvements de révolte, la chasse aux Bouazizi, aux fauteurs d'insurrection potentiels qui est lancée, et c'est une course contre la montre; car, de Ben Ali à Sarkozy, qui règne par la peur s'expose à la fureur.

Monsieur le président, il y a des ranchs à vendre au Texas, et votre avion vous attend sur la piste de Villacoublay.

Aria, Benjamin, Bertrand, Christophe, Elsa, Gabrielle, Julien, Manon, Matthieu et Yildune, sont les dix personnes mises en examen dans l'affaire dite "de Tarnac"
Article paru dans l'édition du 25.02.11

Publié le 24 février 2011 sur LeMonde.fr
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/02/24/paris-texas-une-proposition-politique-des-mis-en-examen-de-tarnac_1484538_3232.html#ens_id=1484561 

25/02/2011

VIDEO : Prêt à jeter

Synopsis Arte : Un produit usé = un produit vendu ! Tourné aux quatre coins du monde, ce film enquête sur l’obsolescence programmée, concept vieux comme l’industrie mais toujours vivace. Une démonstration aussi implacable qu’éclairante.

Dans les pays occidentaux, on peste contre des produits bas de gamme qu’il faut remplacer sans arrêt. Tandis qu’au Ghana, on s’exaspère de ces déchets informatiques qui arrivent par conteneurs. Ce modèle de croissance aberrant qui pousse à produire et à jeter toujours plus ne date pas d’hier. Dès les années 1920, un concept redoutable a été mis au point : l’obsolescence programmée. « Un produit qui ne s’use pas est une tragédie pour les affaires« , lisait-on en 1928 dans une revue spécialisée. Peu à peu, on contraint les ingénieurs à créer des produits qui s’usent plus vite pour accroître la demande des consommateurs.

Croissance folle

« À l’époque, le développement durable n’était pas au centre des préoccupations« , rappelle Warner Philips, arrière-petit-fils des fondateurs de la marque du même nom. Mais alors que les ressources de la planète s’épuisent, rien n’a changé. « La logique est croître pour croître« , note Serge Latouche, professeur émérite d’économie à l’université de Paris 11. Tournée en France, en Allemagne, en Espagne, au Ghana et aux États-Unis, nourrie de nombreuses archives et interviews, avec, pour fil conducteur, le test d’une imprimante récalcitrante, cette démonstration minutieuse débusque les avatars de l’obsolescence programmée et leurs répercussions. Elle esquisse aussi d’autres modèles économiques : de la décroissance, prônée par Serge Latouche, à une industrie qui produirait et recyclerait à l’infini, à l’image de la nature. Une investigation passionnante, qui, l’exaspération une fois passée, amorce la réflexion.


France, 2010, 75′



23/02/2011

"Camarade Mélenchon" Lettre ouverte à un aboyeur public de plateaux télé

«La loi conserve, la révolution régénère. Si l’on veut donc changer, il faut commencer par briser la loi. Prétendre que la révolution peut se faire en respectant la loi est une aberration, un contresens. La loi est un joug et qui veut s’en libérer doit le briser. Quiconque fait miroiter aux travailleurs l’émancipation du prolétariat par la voie légale est un escroc, car la loi interdit d’arracher des mains des nantis la richesse qu’ils nous ont volée. Leur expropriation au bénéfice de tous est la condition essentielle à l’émancipation de l’humanité.» 

    Ricardo Flores Magon, révolutionnaire anarchiste mexicain.

Cher camarade, si je t’écris, ce n’est pas pour parler de ton plan de carrière électoral, ou même de discuter le fond des méthodes que tu te donnes pour faire la révolution «citoyenne».
 
Du moins, pas seulement.
 
Si je prends la peine de t’écrire, c’est surtout pour te mettre face à tes responsabilités. Car je crois qu’il existe en toi, ou au moins en ceux et celles qui t’entourent une lueur de lucidité qui justifia qu’on pris la peine de tenter de te faire entendre raison, au moins pour quelques minutes. L’initiative de ce courrier fera sans doute rire quelques compagnons ou camarades, mais elle aura le mérite d’exposer publiquement quelques problèmes essentiels et cruciaux dans le cours des événements, révoltes populaires d’ici et d’ailleurs, passées, présentes, et bien sûr futures. Tu es prévenu d’avance : ce n’est pas une lettre piégée. Ni ta santé ni ton intégrité physiques ne sont menacées.
 
Tu comprendras dès lors que si je t’appelle camarade, c’est plus par détachement que par conviction ou réelle camaraderie. Et si je te tutoie, c’est pour te faire comprendre le sens du mot «égalité», et la niaiserie abominable des codes bourgeois qui voudraient qu’en ces circonstances, la gravité de ma lettre ait l’air plus solennelle en te vouvoyant. Cela n’a rien à voir avec l’attitude typiquement patriarcale que tu portes partout où tu vas, ce côté «bonne France» que tu aimes tant mettre en avant, façon «claque sur l’épaule», caricature du «gentil petit commerçant» qu’on croirait tout droit sorti d’une publicité pour de la charcuterie.
 
Du reste : les escrocs ne sont pas mes camarades.
 
Oh, bien sûr, tu t’offusqueras peut-être qu’on «t’insulte» de la sorte. La lecture te rebutera peut-être dès lors. Tu n’en feras peut-être pas démonstration, puisque moi, je ne suis personne. L’indignation publique est ton larron. Tu aimes à te donner en spectacle. Certains te traitent même de «Marine le Pen de Gauche». La diabolisation est une technique qui a fait son temps, et je n’irai pas jusque là. Je ne vois pas en toi un diable, ou alors c’est un pauvre diable. Tu n’es pas encore un fasciste. Tu n’es qu’un politicien comme il y en a d’autres. Je me contenterai simplement pour ma part de valider la thèse selon laquelle il y a dans tes discours et ta démarche un fonds marqué de populisme bien français. Mais attention : dans ma bouche, à moi qui ne suis ni journaliste aux ordres, ni personnage public, ni bourgeois, ni flic, ni propriétaire, ni actionnaire, ni politicien, ce mot n’a pas le même sens. Je ne te reproche pas de t’intéresser aux souffrances du «petit peuple», ou de flatter son sens de la révolte, ni de parler de l’endoctrinement qu’on lui réserve dans le «cours normal des événements» de la machine de guerre capitaliste.
 
Celà, à la rigueur, c’est tout à ton honneur. Tu n’as pas que des défauts, et tes rares qualités notoirement publiques sont en général celles que la bourgeoisie et les médias dominants voient comme des tares. C’est bien logique, puisque les intérêts des exploités sont antagonistes à ceux de la classe dominante, leur système de valeurs étant nécessairement inversé : ce qui ne veut évidemment pas dire que tout ce qui «dérange» est positif. Non, par populiste, j’entends prendre «le peuple» (cette dénomination informe que flattent aussi bien tous les politiciens en général, que les pires autoritaires qu’on puisse imaginer en particulier, et qui masque aussi les divisions de classes) comme assise d’un discours et d’une carrière, s’en faire le porte-parole auto-proclamé, et donc parler à sa place. Cela, tu le sais puisque je ne suis pas le premier à te faire la remarque.
 
En ce qui me concerne, et je suppose que c’est le cas de la plupart de mes camarades et compagnons, je ne ressens pas le besoin qu’on parle à ma place, et qu’on me flatte. Avant d’être un anarchiste, je fais aussi partie de ce que les gens comme toi voient comme «le peuple», un anonyme parmi les anonymes, un dépossédé, quelqu’un qui n’a aucun pouvoir sur l’emploi de sa vie et qui le sait, et qui n’a d’autre ressource pour survivre que sa force de travail ou au moins sa détermination. Qui par conséquent, est amené à parier sa vie sur l’hypothèse d’une révolution sociale et d’un changement radical dans la société.
 
Et lorsque je dis cela : ma voix compte pour un. Je ne parle pas à la place des autres. Je parle en mon nom, et mon nom uniquement. Lorsque je parle de la situation de mes camarades, de mes amis ou de ma classe, j’en parle uniquement parce que je la partage non seulement dans mon cœur, mais surtout dans ma chair : parce que cette situation est aussi la mienne, même si il existe toujours plus pauvre et plus déshérité que moi. Bien sûr, tu n’es pas un populiste du seul fait que tu parles pour les autres : ça, c’est la politique. Tu es en outre un populiste parce que tu critique les élites et flatte le «peuple» lorsque tu n’es ni du peuple, ni véritablement de l’élite : tu es un tribun, qui repose sur le peuple et aspire à créer une nouvelle élite, la sienne. Celle des bureaucrates et des dirigeants de cette gauche qui aspire non pas à renverser le capitalisme, mais seulement à améliorer le sort des pauvres : rendre plus «humaine» l’exploitation, arrondir les luttes de classe.
 
Bref : réformer, et non faire la révolution, soutenir la veuve et de l’orphelin en allongeant d’encore un siècle l’exploitation si il le faut à cette seule fin de s’en assurer le statut de «défenseur». Plus qu’un Tartuffe, tu es un philistin de gauche. Même pas un Robespierre en puissance, un bourgeois gentilhomme à la rigueur.
 
D’autre part, et comme je l’énonçais au début de mon courrier, cette attitude viriliste que tu traînes, typique aussi de la caricature du tribun énervé enfermé dans l’image médiatique rassurante du bouffon sautillant n’est pas étrangère à certaines de tes idées.
 
La revendication d’être un «ardent patriote», reliée à celle de l’inspiration de «ce qui se passe en Amérique du Sud» avec les «mouvements sociaux» (émission «C dans l’air», 23 janvier 2011) n’est pas pour rassurer ceux qui pensent en effet que tu es un populiste : elles confirment plutôt cette idée jusqu’à la nausée. De plus, à qui songes-tu lorsque tu parles de l’Amérique latine dont tu ne connais visiblement rien ou pas grand chose ? À la Bolivie d’Evo Morales, son «prix Kadhafi des droits de l’Homme», son opportunisme politique et la situation désastreuse des paysans pauvres, et les banques qui ne s’y portent pas si mal, son catholicisme conservateur et la conséquence sur la liberté pour les femmes où l’avortement est toujours illégal, et où comme écrivaient sur les murs les Mujeres creando «Il faut être courageux pour être pédé» ou encore que «Si Evo avait un utérus, l’avortement serait nationalisé» ? Peut-être penses-tu au Vénézuela de Chavez et son «autogestion» sous surveillance qui n’a rien remis en cause du mode de production, à ses discours télévisuels interminables de propagande lénifiante, sa répression de l’opposition révolutionnaire, son éducation militarisée et sa logomachie aux références religieuses et bourgeoises (respectivement, à Jésus et Bolivar) ou peut-être aux magnats locaux du pétrole qui soutiennent son régime ? Non je sais, tu pensais sans doute à Cuba ? Nous ne sommes pas dupes. Cette gauche-là nous rappelle ce qu’en disaient les révolutionnaires espagnols : «Le socialisme dans la discipline, c’est la caserne».
 
On peut aussi jouer sur les mots, et prétendre qu’on entend par «révolution» ce qu’entendaient par là les «réformateurs» du XIXe siècle, et que la fin est sensiblement la même, même lorsque les moyens diffèrent.
 
C’est là que vient le point de rupture : pour nous, la fin est inséparable des moyens, et si tu ne veux pas réellement abolir les élites, alors tu n’es pas contre le principe du pouvoir comme coercition, tu n’es pas contre le fait que cette société soit divisée en classes, tu n’es donc pas contre le fait qu’il y ait des pauvres et des riches, et tu ne pourras donc jamais empêcher qu’une élite (qu’elle soit bourgeoise ou bureaucratique) au service de ses propres intérêts ne se constitue, etc…
 
Tu ne veux donc pas qu’il n’y ait plus ni pauvres, ni riches, tu veux seulement que les riches soient un peu moins riches, et les pauvres un peu moins pauvres. Tu es un philanthrope en somme. Un «ami des pauvres et des exploité-e-s» : mais la révolution n’a pas besoin d’ami-e-s, elle a besoin de révolutionnaires, et à pareille mesure et en premier lieu de révolté-e-s, et d’insurgé-e-s.
 
Et pour détourner l’affront de la Convention fait à Lavoisier «La révolution n’a pas besoin d’apprentis sorciers» qui lui dictent la bonne conduite à adopter, celle qui se fait avec le crédit amadoué de la loi et de l’ordre, du droit consacré en remplacement du Veau d’or.
 
Tu ne saisis peut-être pas encore bien de quoi je veux parler, ne t’en fais pas, j’y viens.
 
La révolution, au juste : Qu’est-ce à dire ? L’encyclopédie nous indique qu’elle peut être politique, et impliquer un changement de régime, d’institutions, etc. Et qu’elle peut aussi être sociale : c’est-à-dire qu’elle implique un bouleversement dans les hiérarchies sociales, l’organisation de la société et aussi un soulèvement de la population contre l’ordre établi.
 
Les communistes, ou les collectivistes, et la plupart des anarchistes définissent la révolution sociale, comme ayant au moins comme critères minimaux l’expropriation violente de la classe dominante par les exploité-e-s, et la destruction des institutions assurant la domination de classe : à savoir l’État. Même si les autoritaires sont pour la remplacer par un autre État — sorte de despotisme éclairé —, tous concèdent que sans destruction de l’appareil d’État et expropriation : pas de réelle révolution. Ce qui sous-entend, comme le pensait Marx, qu’une révolution est nécessairement politique et sociale : l’histoire a prouvé le contraire. Il est vrai que nombre de révolutions «politiques» n’aboutissent pas à une véritable révolution sociale. Cela signifie-t-il pour autant que le véritable changement social se dispense de tout bouleversement dans les institutions ? Certainement pas. Si il y a bien aujourd’hui un pays sur terre où on ne touche aux fondations de la société que par cas de guerre ou de menace révolutionnaire : c’est bien la France. Tu le sais, puisque tu te proclames vertement et à qui veut l’entendre républicain.
 
D’autre part, les récents événements en Tunisie démontrent qu’on peut très bien avoir une «révolution politique» qui implique quelques réformes, mais pas de réel changement dans les institutions, et moins encore dans les fondements de la structure de la société : pas de révolution sociale. Tout juste un changement de propriétaire. Soulèvement que tu n’oses même pas soutenir complètement, dans ta peur irrationnelle des classes populaires (et nous dirons pourquoi).
 
Ils démontrent aussi que dans l’euphorie générale de la petite-bourgeoisie libérale et son enthousiasme pour cette «révolution du jasmin» (comme ils aiment à l’appeler), la révolte des pauvres contre leurs conditions d’existence, des émeutes du logement en passant par les mutineries des prisons de Tunisie où on assassine, jusqu’aux commissariats de la torture que les insurgés ont passé par le feu, une partie essentielle de la rage populaire est passée sous silence au profit des velléités d’une partie de la gauche et des autres réformistes qui prétendent craindre «le chaos».
 
Ils aiment en réalité le désordre qui leur permet de se recréer les conditions favorables qu’ils n’ont jamais osé créer eux-mêmes, où les pauvres doivent encore se charger du sale boulot, et affronter les balles à leur place. Ils apprécient ce désordre-là, mais pas lorsqu’il les menace d’abolir leurs petits privilèges.
 
Ce sont les mêmes qui en France, comme toi, iront fêter la prise de la Bastille le prochain 14 juillet : ironie du sort. Les mêmes qui ici, fêtent en opportunistes la Troisième République et son drapeau tricolore, celle qui écrasa la Commune et mena la boucherie de 14-18.
 
Revenons-en à nos histoires : Toi, tu n’es donc ni communiste, ni collectiviste, ni anarchiste (nous nous en doutions, rassure-toi), puisque dans tes promesses et tes discours, rien ne correspond à ces définitions minimales que nous avons vu précédemment.
 
Mais alors : qu’es-tu donc ?
 
Un opportuniste ? Un populiste ? Un poujadiste de gauche ? Un fasciste ?
 
Non, tu es bien un escroc, comme le définissaient les magonistes : quelqu’un qui promet aux exploités un changement radical par la voie légale, qui prétend vouloir la révolution et refuse de s’en donner les moyens. Tu es un moraliste qui ne s’applique pas sa propre rigueur. Un rejeton patriotard mal digéré de la social-démocratie française. Mais pourquoi te dire tout cela ?
 
Si je t’écris, camarade Mélenchon, c’est parce que par ta faute notamment, aujourd’hui un de nos camarades est en prison. Pas ton camarade : le nôtre. «Quoi ? De par ma faute à moi ? Jean-Luc Mélenchon ? Quelqu’un est en prison ? De quoi s’agit-il ?»
 
Je rêve : tu ne feras sans doute pas l’offusqué, tu revendiqueras peut-être le fait qu’on enferma grâce à toi, honnête citoyen Mélenchon, les «personnes infiltrées qui jettent des pierres, brisent des vitrines et ensuite sortent des brassards de police».
 
Si cette affirmation n’était pas mensongère concernant la manifestation concernant le «camarade Ninja» — puisque affirmer sans preuve c’est mentir — pendant le dit «mouvement pour les retraites» : elle serait risible. Mais je n’ai pas envie de rire. L’un de mes camarades est en prison : en grande partie par ta faute. Et ce prisonnier n’est pas qu’un numéro d’écrou. Il a un nom. Son nom a été jeté en pâture à la presse, tu le retrouveras facilement, tu le sais peut-être déjà. Tu as dû le savoir, et passer à autre chose en te disant «Ah, encore un de ces anarcho-autonomes, il avait qu’à pas faire le con» : bref, une merde dans ce goût-là.
 
Mais si il est vrai que l’accusation d’infiltration n’est pas qu’une «vieille ficelle de l’extrême-gauche» et que la police a toujours infiltré les manifestations et a fortiori les milieux révolutionnaires et les révoltés à la fois pour le renseignement, mais aussi pour tenter de les manipuler et les pousser à l’erreur qui précipite la répression ou les «lois scélérates», il n’en est pas moins vrai qu’assimiler tout acte de révolte spontané, ou toute forme d’attaque contre la propriété privée au fait d’une «police infiltrée» ou d’une «manœuvre politicienne» relève, plus que de la paranoïa, du complotisme délirant typique d’une gauche réformiste qui supporte d’autant moins la violence des exploités contre la propriété privée ou ses défenseurs qu’elle prétend que celle-ci est sacrée et qu’une révolution doit se faire sans violence ni «mettre en danger personne».
 
Quitte, le cas échéant, à appuyer le fait qu’on emploie la violence de la police défendant le système qu’on prétend combattre pour écraser les révoltés qui ont osé utiliser «la violence» : celle, moins sacrée, qui s’attaque à la propriété privée ou à ses défenseurs enrégimentés ou sans
uniformes.
 
Une curieuse interprétation de la non-violence gandhienne : peut-être me le concéderas-tu.
 
On en voit ici les restes des méthodes dialectiques périmées des vieilles chapelles trotskistes qui à défaut d’accepter leurs erreurs et remettre en cause leur doxa, préfèrent toujours arranger la réalité sous la grille d’analyse de leurs théories : même lorsque celles-ci impliquent de se mentir à soi-même et d’échafauder les pires délires conspirationnistes, quitte à mettre réellement des gens en danger.
 
Si il est vrai que des flics se sont effectivement fondus parmi les manifestants, et même déguisés en service d’ordre syndical avec autocollants CGT pour arrêter les «trublions» lors du mouvement contre la réforme des retraites : il est aussi vrai que ce sont des camarades autonomes, anarchistes ou anti-autoritaires qui ont les premiers fait ce constat, en l’exposant dans des articles sur les IndyMedia, sur des blogs internet, ou en multipliant les méthodes en manifestation pour les visibiliser (pancarte à flèche «Flics infiltrés», les montrer du doigt, etc…).
 
Mais faire ce constat n’autorise personne à prétendre que tout «débordement» est une «erreur» ou une «faute», une diversion qui est soit «l’œuvre de la police», soit l’œuvre de «casseurs dépolitisés sans réflexion politique» qui «font le jeu du pouvoir et/ou de la police». Parce que c’est un mensonge qui en implique d’autres. Parce que c’est une vue de l’esprit qui arrange une vision du monde déformée pour correspondre à quelques intérêts particuliers : les tiens, et ceux des bureaucrates et dirigeants qui pensent comme toi.
 
Du reste camarade Mélenchon, je te retourne la question : quand ce genre de déclaration déchaîne les foudres de la presse bourgeoise (Figaro, TF1 et LCI en tête) et celle de la police qui «blessée dans son honneur» part en croisade pour prouver que le «Ninja» n’était pas un des leurs, et que ce dernier va payer cher le fait de s’être trouvé à ce moment-là devant les caméras de BFM TV qui ont transformé un fait malheureux dans l’agitation d’une émeute pour tenter d’empêcher un lynchage, en «prise de kung fu» avec vue en contre-plongée. À l’heure des procès politiques qui ne disent pas leur nom, des détentions provisoires interminables et de la violence inouïe déployée contre des contestataires qu’on veut réduire au silence (comme pour les deux anarchistes actuellement emprisonnés à la Santé depuis quelques semaines — Dan et Olivier — suite à des tags en soutien à l’insurrection en Algérie et Tunisie), toi, tu ne trouves rien à dire, sinon que tu ne soutiens pas «ceux qui sont contre l’État» (déclaration à propos des inculpés de Tarnac) quitte à grossir encore les taules.
 
Donc tu soutiens l’État ? Celui qui enferme, ce même État qui défend la bourgeoisie, criminalise les luttes populaires et les luttes de classes, et emploie mille manœuvres pour rendormir ton peuple chéri dans le sommeil angoissé du quotidien de l’exploitation ?
 
Ce qui m’amène à une ultime question : De quel côté de la barricade penses-tu être, camarade Mélenchon ? En ces circonstances : Qui fait le jeu du pouvoir ? Qui fait le jeu de la police ? Qui aurait mieux fait de fermer sa grande gueule en novembre 2010 ? Qui n’a pas été inquiété par le pouvoir pour ses dires, ses faits et gestes ? Qui fait les plateaux télé chez Drucker, et qui croupit en taule aujourd’hui ?
 
Plus que jamais, cette gauche est une succursale du fascisme : parce qu’elle lui prépare le terrain, elle accepte la discussion et le débat télévisuel avec ses représentants lorsqu’elle condamne sans retenue les véritables ennemis de l’ordre et du capitalisme.
 
Tu déclares dans la presse, suite à ces événements : «Si je me suis trompé et si j’ai accusé à tort, je m’excuserai. Si je me suis trompé, je le reconnaîtrai. Il n’y a qu’à faire une enquête.»
 
Maintenant l’enquête rendue : À qui au juste, comptes-tu t’excuser ? À la police ? Au pouvoir ? As-tu pensé une seule seconde à ceux ou celles que tu accuses sournoisement de «faire le jeu de la police» ?
 
As-tu seulement réfléchi que ceux ou celles que tu accables le plus, ce ne sont pas ces «flics blessés dans leur honneur», mais des gens qui ont risqué la prison et ont choisi de lutter de manière offensive, non seulement contre cette nouvelle réforme qui en appelle tant d’autres, mais aussi contre la société qui produit de la misère en abondance, et livre les pauvres à la concurrence de ses maîtres et l’âpre recherche du profit ?
 
Ne sont-ce pour toi que des variables d’ajustement dans le grand jeu de la politique ? Une fois encore : le plus grand de tes torts dans cette affaire n’est pas celui que te reproche la bourgeoisie et ses lois que tu respectes tant, et jusqu’à l’absurde, puisque tu vas jusqu’à promettre de «t’excuser».
 
Ton véritable tort est de ne pas concevoir qu’on puisse lutter d’une autre manière que dans le respect de la loi et de l’ordre, et qu’on n’envisage pas la révolution dans le cadre défini par un parti ou une seule organisation (la tienne ?). Ton tort, outre de ne pas assumer ce qu’implique réellement une révolution, est de ne pas envisager la pluralité révolutionnaire, la diversité des stratégies d’action, la multiplicité des terrains de lutte et de manières de les occuper. Tu es un hégémoniste : en plus de jouer constamment à ce jeu de ventriloquie qui consiste à parler à la place des autres, tu ne leur laisses pas le droit d’avoir un discours propre, d’être radicalement opposé à ta démarche, à ce que tu présentes comme «révolutionnaire», et à tes promesses de campagne qui n’impliquent résolument que les naïfs qui choisissent d’y croire. En outre, si nous voulons vraiment nous débarrasser du capitalisme : les guides, les chefs et les maîtres à penser comme toi ne sont pas juste de «mauvais camarades», je crois sincèrement qu’ils constituent des obstacles. Pourquoi ? Car malgré toutes les bonnes intentions, ils se retrouvent du côté de la loi, du côté des bourgeois, et du côté de l’ordre établi lorsque des troubles apparaissent. Pourquoi ? Parce qu’ils veulent qu’on les écoute, ils veulent diriger, ils veulent commander. C’est pour ça que les gens comme toi craignent la révolte des masses et respectent la loi : parce qu’ils convoitent le pouvoir pour eux-mêmes. Ils sont incapables de concevoir que les révolutions sont le fait des populations qui se soulèvent et non des arrivistes et des pousseux qui s’évertuent à les ramasser pour mieux les contrôler et les contenir.
 
Nous croyons que chacun doit être son propre chef, qu’il n’existe aucune autre autorité que celle de chacun pour lui-même et de tous pour chacun. Que les mauvais penchants dans les comportements humains proviennent de l’apprentissage de la soumission et de la coercition, et que l’autorité est la soupape de sécurité d’une société divisée en classes.
 
J’ai peu d’espoir sur les réponses que tu puisses apporter à mes accusations qui sont quant à elles bien fondées, ce pourquoi je ne te laisserai pas l’opportunité de me répondre personnellement.
 
La mauvaise foi d’un politique a cela de terrible qu’elle ne connaît pas de limites. Mais j’ai en revanche la prétention de croire que cette lettre mettra au moins en garde ceux ou celles qui t’écouteront parler à l’avenir — toi ou les autres guides improvisés — et répondront à leur demande de bulletins de vote par un avis de non-recevoir sous la forme d’un crachat ou d’un pavé. Parce que je sais que c’est tout ce que mérite la crapule qui n’éprouve aucun scrupule à envoyer des révoltés et des insoumis pourrir dans un cachot.
 
En conclusion, je te retourne le slogan que tu as volé aux piqueteros argentins :
«¡ QUE SE VAYAN TODOS, QUE NO QUEDE NI UNO SOLO !», et c’est valable pour toi aussi.
 
Mort au capital ! Mort à l’autorité !
Liberté pour tous et toutes !
 
Salutations anarchistes.
 
Signé : un autre enragé qui court toujours
 Jeudi 17 février 2011.
 Publié le 23 février 2011 sur Le Jura Libertaire 
http://juralibertaire.over-blog.com/article-camarade-melenchon-67526108.html

22/02/2011

Revendications ouvrières dans la révolution : Déclaration des syndicalistes indépendants en Égypte

Déclaration des syndicalistes indépendants en Égypte.
Au Caire, le 19 février 2011.
Révolution - Liberté - Justice sociale.


Revendications ouvrières dans la révolution

Aux héros de la révolution du 25 janvier : Nous, travailleurs et syndicalistes de différents lieux de travail à travers l’Égypte qui ont vu des centaines de milliers d’ouvriers se mettre en grève, occuper et manifester ces temps-ci, jugeons utile d’unifier les revendications des grévistes afin qu’elles puissent devenir partie intégrante des buts de notre révolution, faite par le peuple, et pour laquelle les martyrs ont versé leur sang. Nous vous soumettons un programme ouvrier qui rassemble nos revendications légitimes, en vue de souligner la dimension sociale de cette révolution et d’éviter qu’elle soit confisquée à la base qui doit en bénéficier.

Les revendications ouvrières que nous portions avant la glorieuse révolution du 25 janvier et qui en furent le prélude sont :

1. Augmentation nationale des salaires et des pensions minimum, ainsi que la réduction de l’écart entre les salaires minimum et maximum, le salaire maximum ne pouvant excéder 15 fois le salaire minimum, en application de l’exigence de justice sociale portée par la révolution ; paiement d’une allocation chômage, indexée sur la hausse des prix.

2. Droit inconditionnel et absolu de s’organiser en syndicats indépendants, protection des syndicats et de leurs représentants.

3. Sécurité de l’emploi contre les licenciements pour les travailleurs manuels, les travailleurs du clergé, les ouvriers agricoles. Embauche des travailleurs intérimaires et réintégrations des travailleurs licenciés. Fin du travail temporaire.

4. Re-nationalisation de toutes les entreprises privatisées et arrêt de l’odieux programme de privatisations qui minait notre économie nationale sous l’ancien régime.

5. * Retrait total des managers corrompus qui étaient imposés par les entreprises pour les couler et les liquider.
* Redéploiement de l’emploi en faveur des jeunes.
* Retour à un contrôle des prix des biens et services afin de maintenir des prix bas et de ne pas pénaliser les pauvres.

6. Droit de grève, de constituer des piquets et de manifester pacifiquement pour les travailleurs, à commencer par tous ceux qui sont actuellement en grève pour chasser les hommes du régime déchu. Si cette révolution ne conduit pas à un partage des richesses, elle n’aura servi à rien. Il n’y a pas de liberté sans libertés sociales. Le droit de vote dépend bien évidemment du droit à se nourrir.

7. La santé est une condition nécessaire à la productivité.

8. Dissolution de la Fédération égyptienne des syndicats, qui constituait un des symboles majeurs de la corruption sous l’ancien régime. Mise en exécution des jugements prononcés à son encontre et saisie de ses avoirs financiers et de ses archives. Saisie et enquête sur le patrimoine de ses dirigeants et de ses syndicats.

Signé par :

Employé du Bureau météorologique, Ahmad Kamal Salah
Union des techniciens de la Santé, Hossam Muhammad Abdallah Ali
Infirmière, Sayyida Al-Sayyid Muhammad Fayiz
Raffinerie sucrière Al-Fayyum, Ashraf Abd al-Wanis
Omar Effendi Department Store, Abd-al-Qadir Mansur
Future Pipes Co, 6th October City, Hafiz Nagib Muhammad
Egypt – Helwan Textiles Co., Muhammad Hassan
Cimenterie Tora, Mahmud Abd-al-Munsaf Al-Alwani
Egyptian Commercial Pharmaceutical Co., Ali Mahmud Nagi
Raffinerie sucrière Hawamidiyya, Omar Muhammad Abd-al-Aziz
Egyptian Pharmaceuticals, Muhammad Galal
Suez Fertilisers Co., Shazli Sawi Shazli
Usine militaire no. 45, Muhammad Ibrahim Hassan
Usine militaire no. 999, Wasif Musa Wahba
Direction générale des Transports, Gamil Fathi Hifni
Cairo General Contractors, Adil Abd-al-Na’im
Al-Qanah Rope Co., Port Sa’id, Ali Hassan Abu Aita
Centre d’information, Hind Abd-al-Gawad Ibrahim
Centre d’information, Hamada Abu-Zaid
Centre d’information, Muhammad Khairy Zaid
Direction générale des Centres culturels, Hatim Salah Sayyid
Direction nationale des Postes, Muhammad Abd-al-Hakim
International Ibex Co., Ahmad Islam
Usine militaire 99, Tariq Sayyid Mahmud
Usine militaire 999, Nabil Mahmud
Syndicaliste, Mahmud Shukri
Usine militaire 999, Ahmad Faruq
Usine militaire 999, Osama Al-Sayyid
Future Pipe Industries, Yasir Al-Sayyid Ibrahim
Travailleurs des Tanneries, Mahmud Ali Ahmad
Future Pipe Industries, Abd-al-Rasul Abd-al-Ghani
Omar Effendi Department Store, Ali Al-Sayyid
Impôts (RETAU), Kamal Abu Aita
Impôts (RETAU), Ahmad Abd-al-Sabur
Impôts (RETAU), Salah Abd-al-Hamid
Impôts (RETAU), Mahmud Umar
Ouvrier, Khalid Galal Muhammad
Petrotrade Co., Muhammad Zaki Isma’il
Suez Canal Co., Saud Omar
Suez Fertilizers Co., Kamal el-Banna

Traduit à l’arrache par Le Jura Libertaire.

Publié le 22 février 2011 par Le Jura Libertaire
http://juralibertaire.over-blog.com/article-revendications-ouvrieres-dans-la-revolution-declaration-des-syndicalistes-independants-en-egypte-19-fevrier-67785126.html

18/02/2011

Révolte de la place Tahrir et "consensus de Pékin"

Dans les colloques sur la mondialisation, il y aura dorénavant un "avant" et un "après" la Grande Révolte de la place Tahrir. Il ne s'agit pas seulement d'un repère chronologique. Il s'agit d'une date dans ce qui s'annonce comme l'une des grandes batailles idéologiques du siècle : la querelle des modèles. Explication.

Depuis quelques années, on célèbre à satiété ce qu'on appelle le "consensus de Pékin". C'est une formule élégante pour décrire des régimes qui prônent à la fois le capitalisme et le parti unique. On y voit la martingale gagnante pour les pays du Sud, la recette du décollage économique et social, celle de l'intégration dans l'économie globalisée. L'exemple vient de Chine - sacrée cette semaine deuxième économie mondiale derrière les Etats-Unis. Même si les Chinois se sont toujours gardés de "vendre" leur modèle, le "consensus de Pékin" n'a cessé de faire des émules.

En Russie, Vladimir Poutine s'en inspire, sans le dire, mais le modèle tente aussi nombre de pays africains. Il séduit l'équipe de Mahmoud Ahmadinejad en Iran. Il est copié par d'autres en Asie et ailleurs. L'équation gagnante à tous coups résiderait dans la fameuse combinaison chinoise : libre entreprise et autoritarisme politique. Voilà ce qui marche ! C'est ce qu'on pensait aussi en Egypte, du moins jusqu'à l'incongruité survenue au beau milieu de ce doux hiver des bords de Nil : la Grande Révolte de la place Tahrir.

Le "consensus de Pékin" n'était pas vanté qu'au Sud. Il s'est trouvé des experts aux Etats-Unis et en Europe pour imaginer qu'il allait dominer le siècle. L'expression serait due à l'Américain Joshua Cooper Ramo. Auteur et consultant, Cooper Ramo l'a forgée en 2004 en opposition à ce qu'on a appelé vers la fin des années 1980 le "consensus de Washington" : gouvernance la plus démocratique possible, libre entreprise et immédiate ouverture des frontières aux capitaux et marchandises du monde entier - voilà ce que le Fonds monétaire international (FMI) et le département du Trésor américain, notamment, vantaient alors comme le modèle gagnant-gagnant pour les économies du Sud et celles nouvellement désoviétisées de Russie et d'Europe orientale.

Au fil des succès remportés par la Chine, le "consensus de Pékin" a gagné en légitimité. La Chine s'affirmait comme un rival économique et bientôt militaire des Etats-Unis, mais aussi comme un concurrent idéologique : elle avait son soft power politique - sa capacité de séduction.

Dans les pays du Sud, son modèle damait le pion au "consensus de Washington" ; il paraissait mieux adapté que la démocratie "à l'occidentale" ; il avait mieux résisté à la crise de 2008-2009 provoquée par son rival. Transposé à l'Egypte, le "consensus de Pékin" s'énonçait ainsi : le capitalisme plus les moukhabarat (l'omniprésente police secrète).

Autoritarisme politique au service d'un capitalisme où l'Etat reste un acteur économique prépondérant contre la démocratie et la libre entreprise telles qu'on les pratique à l'Ouest... Le match idéologique du siècle. Modèle contre modèle. Dans ces cas-là, il se trouve toujours un Américain pour parier contre son camp et en annoncer l'inévitable déclin dans un ouvrage retentissant. En l'espèce, il s'appelle Stefan Halper.

Ex-diplomate devenu professeur à Cambridge (Royaume-Uni), Halper publie en 2010 un brillant essai : Le consensus de Pékin ou comment le modèle autoritaire chinois va dominer le XXIe siècle (Basic Books, New York). Thèse centrale : la Chine prouve qu'un système de parti unique et de libre entreprise sans libertés publiques peut être une alternative viable et vigoureuse au modèle américain de gouvernement par les citoyens.

On en était là quand, un an plus tard, les jeunes gens de la place Tahrir sont venus perturber l'assurance du professeur Halper et des autres, pour donner bruyamment leur point de vue. Pas sûr du tout que le "consensus de Pékin" soit la formule magique. Pas sûr du tout qu'il assure la stabilité politique à terme. Pas sûr du tout que l'autoritarisme politique, à supposer qu'il favorise toujours le développement économique, fasse le bonheur des peuples. Les mérites de la tyrannie à la Ben Ali ou à la Moubarak ont leurs limites.

L'honnêteté impose de dire que les Chinois ne font pas de prosélytisme pour leur modèle. Ils exportent des produits et des services, pas des idées. La même honnêteté conduit à se méfier des comparaisons entre des pays aussi différents que la Chine et l'Egypte. Mais il est tout de même symptomatique que la Révolte de la place Tahrir a donné lieu à un traitement a minima dans les médias chinois : interdiction faite à la presse de reprendre d'autres comptes rendus que ceux de l'agence officielle Chine nouvelle ; contrôle très strict de ce qui pouvait en être dit sur Internet. Comme si les jeunes Egyptiens étaient porteurs d'un message un peu trop subversif au goût des autorités de Pékin.

Dans l'autre grande autocratie de l'époque, la Russie de Poutine, la presse est plus libre. Le regard qu'elle porte sur la place Tahrir est tout aussi passionnant : "En dépit de tout le bruit fait l'an passé par les analystes politiques sur la perte d'influence du modèle démocratique occidental et sur la montée du modèle autocratique (comprendre la Chine, Singapour, etc.), éditorialise The Moscow Times, l'histoire n'est pas du côté de l'autocratie, parce que celle-ci, manquant par définition de légitimité, est instable par nature."

Le journal poursuit : "Les manifestations des retraités en 2005 et celles d'il y a un an à Kaliningrad ont été les premiers avertissements au règne de Vladimir Poutine. (...) Espérons que le Kremlin saura tirer les bonnes leçons de la "révolution du jasmin" en Tunisie et des protestations en Egypte avant qu'il ne soit trop tard". Las, conclut l'éditorial, "le Kremlin semble croire que les Russes toléreront sans fin un niveau de vie misérable, la corruption et la brutalité du gouvernement". Comme Moubarak le pensait des Egyptiens ?

Publié le 18 février 2011 sur www.lemonde.frLeMonde.fr par Alain Frachon
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/02/17/revolte-de-la-place-tahrir-et-consensus-de-pekin_1481531_3232.html#ens_id=1481220

 
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