Un grand merci à David Dufresne, ce journaliste et documentariste qui depuis les premiers jours de mobilisation des Gilets Jaunes, répertorie les vidéos des violences policières et les signale au compte Twitter du Ministère de l'Intérieur. L'idée n'est évidement pas que l'occupant de la Place Beauvau ou un membre de son personnel s'en saisisse, ça n'arrivera pas. Nan, l'idée c'est la collecte et comme toute collection, elle brille au moins pour moitié par sa taille. 248 éléments à l'heure où j'écris, après un mois et demi. Le portrait dressé est des plus sombre, vous pouvez en voir l'intégralité sur le compte Twitter de Dufresne. Il détaille aussi sur son blog sa démarche et l'écho qu'elle reçoit.
Il était l'invité du Média pour parler de son travail de collecte et des conditions actuelles du maintient de l'ordre. L'entretien vidéo est juste en dessous, mais j'en ai extrait deux citations qui m'ont parlé parce que j'y pensais depuis quelques jours. C'est en fait deux constats.
Extrait 1 : (17:56)
"La réponse doit être politique. Il y a un truc assez dégueulasse à envoyer tous les samedis les gendarmes mobiles, les CRS et même les BAC se cogner les manifestants, parce que la réponse ne sera pas dans la répression. Les causes du désordre ne seront pas réglées par l’ordre. C’est absolument incroyable de ne pas comprendre d’un point de vue politique où on en est, c’est à dire que l’injustice sociale crée ces évènements."
Extrait 2 : (31:32)
"Quand nous votons, nous accordons à l’élu, au président, la violence légitime. Nous lui disons en fait en votant : « Ok, l’Etat a la violence légitime ». La moindre des choses à demander à l’état c’est d’être à la hauteur de cette violence légitime, d’être à la hauteur de sa responsabilité. Entre les deux boxeurs (ici et là), il y en a un qui est identifié et la justice a tout de suite ouvert une enquête. La justice, on va dire, fait son travail de justice. Ce qui est insupportable en ce moment, depuis un mois et demi, c’est que la justice ne fait son travail que dans un sens. Les médias de masse ne font quasiment leur travail que dans un sens. Tout ça, toute cette crispation ajoute de la violence à la violence. Une violence de justice, une violence médiatique, et les déclarations d’Emmanuel Macron (...) avec un déni absolu des victimes des violences policières.""(NDLR : Dans les médias de masse) le message global est unilatéral et univoque. Or, cette façon de travailler, cette façon de diriger le débat empêche la compréhension. On ne veut pas voir qu’il y a des milliers de blessés, qu’il y a des dizaines de gens qui ont perdu œil, mains, etc.. Ca n’était jamais arrivé ! Pourquoi ce fait là est occulté ? Alors que vous avez des sociologues de la police comme Olivier Fillieule, comme Fabien Jobard, comme Sébastien Roché, qui travaillent ces questions là depuis des années, qui font des tribunes dans Le Monde, qui expliquent comment en Europe, la désescalade est l’alpha et l’oméga des forces de l’ordre sauf en France. En France on est aujourd’hui dans une escalade. Donc le travail des confrères (NDLR: journalistes) à part quelques uns, il est nul. Nul au sens qu’il n’existe pas."
Vous pouvez aussi approfondir le sujet des violences policières en France avec ce chouette dossier de Paris-Lutte.info, et comprendre le traitement médiatique de cette violence dans le mouvement actuel avec cette analyse d'Acrimed.
Je vous laisse sur une parenthèse : (5339 gardes à vue, +/- 150 incarcérations et plus 2000 blessés depuis le 17 novembre en France. C'est une mauvaise source et la comparaison n'apporte rien, mais le wiki des évènements de Gezi Park à Istanbul en 2013 indique "au moins 4900 arrestations" avec près de 200 incarcération. Il n'y a plus que le nombre des blessés et des morts qui nous sépare réellement de la répression d'Erdogan : 8163 et 22. Dépassera, dépassera pas?)