30/04/2018

DOCU : Demain s'entête sur la ZAD de NDDL

Ce film a été réalisé entre juillet 2017 et avril 2018 par des habitant.e.s de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, soit avant les derniers assaults de l'Etat débutés le 9 avril 2018.

Le Groupe de Recherches Ouvertes & d'Initiatives Multiples (G.R.O.I.X), qui est à l'initiative de ce projet ou en tous cas de sa diffusion, fait un gros boulot documentaire sur toute la France et depuis plusieurs années maintenant. Je vous invite à faire un tour sur leur chaine Youtube et sur leur blog.


14/04/2018

DOCU : Le fond de l'air est bleu

Le fond de l’air est bleu (70mn) témoigne de la situation policière en France, en particulier depuis l’institution d’un état d’urgence qui se prolonge. Depuis la colère des policiers jusqu’à celle des victimes de leur violence, en passant par la parole des militant-e-s et des habitant-e-s des quartiers populaires, chacun-e exprime ici un moment du malaise face à l’ordre et son maintien.



12/04/2018

Sur l'expulsion de la ZAD

Loic Venance - AFP
Émilie Hache, maîtresse de conférences en philosophie à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, était interrogée sur Médiapart ce mercredi 11 avril, autour de l'expulsion / destruction de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Je partage un court extrait dans lequel elle défend un point de vue trop souvent absent des médias, un point de vue qui replace la ZAD dans le temps, dans son époque qui manque cruellement d'alternative et qui n'en a pourtant jamais autant eu besoin.

(Ca commence à 09:21)

Médiapart : (...) Comment réagissez-vous à cette situation d’expulsion de cette ZAD ?

Emilie Hache : (...) C’est tout d’abord un immense gâchis. On est étranglé à la fois de tristesse et de colère quand on voit ces images. Sans même parler du fait qu’ils n’ont absolument pas respecté le peu de promesses qu’ils avaient pu faire sur les endroits qu’ils ne détruiraient pas sur ces lieux là. Quand on voit ces cabanes qui sont d’une beauté incroyable, qui ont été construite pour penser un monde différent, c’est absolument insupportable de voir ces images. (...) Il y avait une très jolie vidéo d’une habitante de la ZAD, une des Camille, qui résumait, je trouve d’une manière assez clair la situation dans laquelle on est aujourd’hui à la ZAD, à savoir que finalement, ce qui est en train de ce passer ici c’est notre future qu’on est en train de nous voler, de détruire en détruisant ces endroits là. C’est effectivement une question qu’on peut se poser, à savoir :
En 2018, face à ce dérèglement climatique qu’on est en train de se prendre en plein dans la figure, sérieusement, le gouvernement français n’a pas autre chose à faire que d’aller déloger 200 personnes sur un territoire dans lequel s’expérimente aujourd’hui des projets qui sont précisément, peut-être un des seuls futurs viables et humain possible ? Il n’a vraiment pas d’autre projet, pas d’autre ambition que celui-là ? C’est absolument hallucinant, c’est sidérant, à la fois de violence et de bêtise, de nullité politique d’une certaine façon. 
(...) Je dirais que la réponse qui est aujourd’hui proposée, aussi bien d’ailleurs à NDDL qu’ailleurs, c’est un imaginaire politique des années 50 qui nous est proposé. On est en train de revenir avant mai 1968 avec cet univers politique que nous propose Macron. Une idéologie du progrès qui n’a plus aucun sens, dont on sait depuis très longtemps que ça n’a plus aucun sens. (...) Quelle est la vision derrière ces différentes prises de positions ultra-autoritaires qui sont aujourd’hui menées. Je ne les comprends pas. On ne les voit pas à par pour le fait que c’est un retour en arrière politique et social complètement hallucinant.


11/04/2018

The origin of life (en)

Voici une série de trois vidéos de vulgarisation sur les origines de la vie d'un point de vue biologique et physique. Vous allez voir que le boulot est presque terminé. C'est vraiment hyper intéressant, surtout de savoir qu'on en est arrivé là. Mais je dois dire que j'ai hâte qu'on réalise tous ensemble que c'est bien dans la conscience et pas dans la vie que réside le vrai mystère.

Where Did Life Come From?
The origin of life is one of the most important mysteries in all of science. When did life begin? How did life first evolve from chemistry? Where did life get started? In some primordial soup or somewhere else? Let’s journey back to the origin of life, as best as we know it, from the RNA world do the last universal common ancestor of everything alive today.



What Was the Ancestor of Everything?
The search for our origins go back to a single common ancestor -- one that remains shrouded in mystery. It’s the ancestor of everything we know and today scientists call it the last universal common ancestor, or LUCA.



Physics of Life
Our universe is prone to increasing disorder and chaos. So how did it generate the extreme complexity we see in life? Actually, the laws of physics themselves may demand it.

04/04/2018

F. Lordon sur la violence en périodes révolutionnaires (3.4.18)

Extrait de la conférence-débat entre Frédéric Lordon et Bernard Friot, organisée à l'Université Paris-Tolbiac, le 3 avril 2018, par l'association Projet d'Utopie, dans le cadre de la Commune Libre de Tolbiac. Je vous mets la vidéo en dessous.

(1:06:06 - 1:12:31)

#1
... Je considère en effet que la violence est une question anthropologique de première grandeur et que toute pensée de la révolution a à s’y confronter. Je ne sais pas si je dois me lancer dans le détour qui me vient à l’esprit, peut-être que oui parce que, surtout dans la discussion politique, cette question de la violence reconduit au télescopage de ce que j’appelle les anthropologies hémiplégiques ou unilatérales, à savoir : l’hommes mauvais, l’homme loup pour l’homme, l’anthropologie hobbesienne ; et l’homme coopératif, altruiste et sympathique, l’anthropologie disons d’une certaine pensée libertaire qu’on peut faire remonter éventuellement jusqu’à Rousseau. Cette antinomie anthropologie m’a toujours semblé inepte. Alors pour ce coup là je vous prie de m’excuser, mais je vais opérer nécessairement un changement de régime et une légère bifurcation de registre... Si il y a bien un philosophe qui a parfaitement vu la chose.... C'est Spinoza. « Homo homini lupus et deus. » « L’Homme est un loup et un dieu pour l’Homme. » La question n’est donc pas de savoir s’il est un loup ou s’il est un Dieu. La question est de savoir, comme toujours, quelle forme institutionnelle nous nous donnons et comment nous agençons nos biotopes politiques pour que l’Homme soit davantage un Dieu qu’un loup, et pas l’inverse. Il est bien certain que les effets de ce point de vue du capitalisme sont assez faciles à répertorier.

#2
La violence me semble-t-il, est la tache aveugle de la pensée révolutionnaire et en particulier dans la version qu’en a donnée Lénine dans l’Etat et la Révolution, qu’il résume dans le syllogisme suivant : (majeure) toute violence dans l’histoire est violence de la lutte des classes ; or (mineure) la société communiste est la société sans classe ; (ergo) conclusion, dans la société communiste il n’y aura plus de violence. J’ai le regret de critiquer ce beau mouvement parce que c’est le moment où Lénine a tendu la main aux anarchistes dans la conjoncture particulière qui est celle que vous connaissez puisque le livre a été écrit en septembre 17. Et cependant, si vous voulez, ici pour moi, la carence de pensée anthropologique est abyssale. Alors il faut y répondre. C’est l’une des taches aveugles anthropologique du marxisme. On ne peut pas reprocher à Marx de n’avoir pas tout pensé. C’est aussi la tache aveugle du marxisme après Marx notez bien. 

#3
Bon. Je fais juste une petite parenthèse pour indiquer quand même, parce que là j’y vois un signe des temps : La violence politique est une question qui est en cours de détabouisation accélérée. Il y a dix ans encore, évoquer l’idée de violence en politique, même dans un écrit théorique, faisait de vous une espèce d’irresponsable qui veut mettre la société à feu et à sang et qui à la bave aux lèvres, ou pas loin. On est en train de s’apercevoir qu’on arrive dans des zones critiques où un certain nombre de choses vont avoir du mal à se passer calmement, je veux dire.

#4
Et cependant, il ne faut pas sous estimer l’immense difficulté de penser, pour commencer, que pose la question de la violence dans une perspective révolutionnaire. Car en effet, pour affirmer un projet révolutionnaire comme celui de la souveraineté collective des producteurs, il va falloir passer sur le corps de la propriété privée. Et, ça risque de ne pas se faire sans casse. Et, en effet, la violence contre révolutionnaire sera déchainée. Car alors là, pour le coup, l’Histoire est assez riche d’enseignements invariants dans ce registre là. Toutes les tentatives en cette matière ont été réprimées dans le sang. Alors évidemment, si vous voulez, on ne peut pas contempler cette perspective sans en être étreint.

#5
Et puis il faut se demander également : Qu’advient-il d’une forme politique qui nait dans des circonstances pareilles ? Comment pourrait-elle ne pas en être marquée de manière indélébile ? Car la forme politique aura du mal à éviter de prendre, sous les nécessités de la guerre civile révolutionnaire, une forme étatique centralisée. Et alors, comment pourrait-elle se défaire de ce pli originel ? Comment un Etat qui nait dans le chaos révolutionnaire peut-il ne pas être un Etat centralisé, militaire, policier, violent, et totalitaire ? Voilà la question à se poser. Et c’est une question dont la réponse n’a rien d’évident. Et à laquelle on ne répondra pas à coup de wishful thinking, c’est à dire à coup de pensée magique qui ferait l’impasse sur la question plutôt que de la résoudre.

Frédéric Lordon

03/04/2018

Bourdieu et les cheminots

Le 12 décembre 1995, Pierre Bourdieu s’adressait aux cheminots grévistes, à la gare de Lyon. Il soutenait les grévistes et apportait, à sa façon, des éléments d’éclairage. Il reste aujourd’hui tout aussi éclairant.

(J'ai trouvé ce texte ici)

Je suis ici pour dire notre soutien à tous ceux qui luttent, depuis trois semaines, contre la destruction d’une civilisation, associée à l’existence du service public, celle de l’égalité républicaine des droits, droits à l’éducation, à la santé, à la culture, à la recherche, à l’art, et, par-dessus tout, au travail. Je suis ici pour dire que nous comprenons ce mouvement profond, c’est-à-dire à la fois le désespoir et les espoirs qui s’y expriment, et que nous ressentons aussi ; pour dire que nous ne comprenons pas (ou que nous ne comprenons que trop ) ceux qui ne le comprennent pas, tel ce philosophe qui, dans le Journal du Dimanche du 10 décembre, découvre avec stupéfaction “le gouffre entre la compréhension rationnelle du monde”, incarnée selon lui par Juppé – il le dit en toutes lettres -, “et le désir profond des gens”.

Cette opposition entre la vision à long terme de “l’élite” éclairée et les pulsions à courte vue du peuple ou de ses représentants est typique de la pensée réactionnaire de tous les temps et de tous les pays ; mais elle prend aujourd’hui une forme nouvelle, avec la noblesse d’État, qui puise la conviction de sa légitimité dans le titre scolaire et dans l’autorité de la science, économique notamment : pour ces nouveaux gouvernants de droit divin, non seulement la raison et la modernité, mais aussi le mouvement, le changement, sont du côté des gouvernants, ministres, patrons ou “experts”; la déraison et l’archaïsme, l’inertie et le conservatisme du côté du peuple, des syndicats, des intellectuels critiques.

C’est cette certitude technocratique qu’exprime Juppé lorsqu’il s’écrie: “Je veux que la France soit un pays sérieux et un pays heureux”. Ce qui peut se traduire: “Je veux que les gens sérieux, c’est-à-dire les élites, les énarques, ceux qui savent où est le bonheur du peuple, soient en mesure de faire le bonheur du peuple, fut-ce malgré lui, c’est-à-dire contre sa volonté ; en effet, aveuglé par ses désirs dont parlait le philosophe, le peuple ne connaît pas son bonheur – en particulier son bonheur d’être gouverné par des gens qui, comme M. Juppé, connaissent son bonheur mieux que lui”. Voilà comment pensent les technocrates et comment ils entendent la démocratie. Et l’on comprend qu’ils ne comprennent pas que le peuple, au nom duquel ils prétendent gouverner, descende dans la rue – comble d’ingratitude ! – pour s’opposer à eux.

Cette noblesse d’État, qui prêche le dépérissement de l’État et le règne sans partage du marché et du consommateur, substitut commercial du citoyen, a fait main basse sur l’État ; elle a fait du bien public un bien privé, de la chose publique, de la République, sa chose. Ce qui est en jeu, aujourd’hui, c’est la reconquête de la démocratie contre la technocratie : il faut en finir avec la tyrannie des “experts”, style Banque mondiale ou F.M.I., qui imposent sans discussion les verdicts du nouveau Léviathan ( les “marchés financiers” ), et qui n’entendent pas négocier mais “expliquer” ; il faut rompre avec la nouvelle foi en l’inévitabilité historique que professent les théoriciens du libéralisme ; il faut inventer les nouvelles formes d’un travail politique collectif capable de prendre acte des nécessités, économiques notamment ( ce peut être la tache des experts ), mais pour les combattre et, le cas échéant, les neutraliser.

La crise d’aujourd’hui est une chance historique, pour la France et sans doute aussi pour tous ceux, chaque jour plus nombreux, qui, en Europe et ailleurs dans le monde, refusent la nouvelle alternative : libéralisme ou barbarie. Cheminots, postiers, enseignants, employés des services publics, étudiants, et tant d’autres, activement ou passivement engagés dans le mouvement, ont posé, par leurs manifestations, par leurs déclarations, par les réflexions innombrables qu’ils ont déclenchées et que le couvercle médiatique s’efforce en vain d’étouffer, des problèmes tout à fait fondamentaux, trop importants pour être laissés à des technocrates aussi suffisants qu’insuffisants : comment restituer aux premiers intéressés, c’est-à-dire à chacun de nous, la définition éclairée et raisonnable de l’avenir des services publics, la santé, l’éducation, les transports, etc., en liaison notamment avec ceux qui, dans les autres pays d’Europe, sont exposés aux mêmes menaces? Comment réinventer l’école de la République, en refusant la mise en place progressive, au niveau de l’enseignement supérieur, d’une éducation à deux vitesses, symbolisée par l’opposition entre les grandes écoles et les facultés? Et l’on peut poser la même question à propos de la santé ou des transports. Comment lutter contre la précarisation qui frappe tous les personnels des services publics et qui entraîne des formes de dépendance et de soumission particulièrement funestes dans les entreprises de diffusion culturelle ( radio, télévision ou journalisme ), par l’effet de censure qu’elles exercent, ou même dans l’enseignement?

Dans le travail de réinvention des services publics, les intellectuels, écrivains, artistes, savants, etc., ont un rôle déterminant à jouer. Ils peuvent d’abord contribuer à briser le monopole de l’orthodoxie technocratique sur les moyens de diffusion. Mais ils peuvent aussi s’engager, de manière organisée et permanente, et pas seulement dans les rencontres occasionnelles d’une conjoncture de crise, aux côtés de ceux qui sont en mesure d’orienter efficacement l’avenir de la société, associations et syndicats notamment, et travailler à élaborer des analyses rigoureuses et des propositions inventives sur les grandes questions que l’orthodoxie médiatico-politique interdit de poser : je pense en particulier à la question de l’unification du champ économique mondial et des effets économiques et sociaux de la nouvelle division mondiale du travail, ou à la question des prétendues lois d’airain des marchés financiers au nom desquelles sont sacrifiées tant d’initiatives politiques, à la question des fonctions de l’éducation et de la culture dans des économies où le capital informationnel est devenu une des forces productives les plus déterminantes, etc.

Ce programme peut paraître abstrait et purement théorique. Mais on peut récuser le technocratisme autoritaire sans tomber dans un populisme auquel les mouvements sociaux du passé ont trop souvent sacrifié, et qui fait le jeu, une fois de plus, des technocrates.

Ce que j’ai voulu exprimer en tous cas, peut-être maladroitement – et j’en demande pardon à ceux que j’aurais pu choquer ou ennuyer -, c’est une solidarité réelle avec ceux qui se battent aujourd’hui pour changer la société : je pense en effet qu’on ne peut combattre efficacement la technocratie, nationale et internationale, qu’en l’affrontant sur son terrain privilégié, celui de la science, économique notamment, et en opposant à la connaissance abstraite et mutilée dont elle se prévaut, une connaissance plus respectueuse des hommes et des réalités auxquelles ils sont confrontés.

Pierre Bourdieu - 1995

 
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