13/05/2018

Brève analyse sur la "Disruption"

J'ai écrit une petite analyse de rageux parce que je travaille malheureusement dans un milieu où j'ai été amené à croiser ce terme bien plus que je ne l'aurais souhaité. 

P.


Je crois que les gens qui emploient le mot disruption à outrance aujourd’hui son encore pire que sa signification. Pourquoi ? Parce qu’ils s’empressent d’utiliser un terme désormais chargé idéologiquement, en pensant avoir appris un nouveau mot et sans se soucier du fait qu’en fonction du champ de définition choisi, il désigne :

1. (Général) Une cassure ou un arrêt
2. (Physique) L’apparition brutale d'une instabilité magnétique
3. (Psychologie) L’accélération de la société générant une perte de repères chez l’individu

C’est ce troisième champ qui m’intéresse parce que nous sommes ici face à un cas classique d’appropriation et de retournement sémantique tout à fait symptomatique de la période. Vous connaissez forcément « la guerre c’est la paix » issue du 1984 de George Orwell, mais il faut reconnaître que ce genre de non-sens est aussi un dispositif classique de l’idéologie néolibérale qui impose la définition marketing dans le champ médiatique :

4. (Marketing) Stratégie d’innovation par la remise en question des formes généralement pratiquées sur un marché, pour accoucher d’une « vision », créatrice de produits ou de services radicalement innovants.

Une définition disant strictement l’inverse d’une cassure brutale créant une instabilité et une perte de repères, et qui pourtant, se voit reprise par des tarés s’imaginant que seul ce secteur de la société est à même de donner Son sens au mot puisqu’après tout, c’est déjà ce secteur qui donne sens à nos vies. Fière de leur « nouveauté », ils oublient qu’un système est en soi tout sauf disruptif et que cette définition est en fait celle du late-capitalism lui même :

5. (En réalité) Il n’innove pas et se contente de cannibaliser des zones restées hors du marché. Il impose Sa vision, destructrice de tout sauf des produits inutiles dont il renouvelle les gammes chaque année dans l’espoir de feindre la nouveauté.

Voilà comment persuader une génération d’entrepreneurs qu’ils sont tout autre chose que leurs pairs, alors qu’ils copient leurs gestes, toujours plus frénétiquement, dans un cycle de création, exploitation, financiarisation, sans cesse renouvelé.

 
CAMARADES