31/05/2012

« Pas n’importe qui... »

Au lendemain de l’élection de François Hollande, le philosophe Alain Brossat a envoyé ce texte au quotidien « L’Humanité » en vue d’une publication. Mais si la rédaction du journal publiait jusqu’ici ses tribunes sans faire des difficultés, celle-ci n’a pas eu l’heur de leur plaire, son courrier restant sans réponse. Comme on trouve ce texte éclairant, on a pris la relève...

Le lendemain de la victoire de François Hollande, dans son édition datée du 8 mai 2012, Le Monde publiait de larges extraits du discours prononcé par celui-ci, quelques heures après l’annonce de sa victoire, en son fief de Tulle (Corrèze). Mais le quotidien du soir omettait, de manière bien regrettable, d’y faire figurer ces mots qui, pourtant, ont bien été prononcés : « Nous ne sommes pas n’importe quel pays de la planète, n’importe quelle nation du monde – nous sommes la France », avant d’enchaîner, avec l’emphase de circonstance, sur les valeurs universelles de la République qu’il (le nouvel élu) s’engageait à promouvoir partout dans le monde, face aux dictatures et à la corruption ; ceci avant de conclure ainsi cette tirade : le 6 mai, c’est «  une nouvelle espérance pour le monde » - ni plus, ni moins.

Quelques jours auparavant, commentant le débat télévisé qui, deux heures et demie durant, avait opposé François Hollande à Nicolas Sarkozy, un quotidien gratuit titrait : « D’accord sur rien ». Un jugement hâtif et superficiel que font voler en éclat les quelques sentences qui viennent d’être citées : s’il est en effet une conviction sur le fond, un axiome et une inspiration que partagent les deux principaux concurrents à la Présidentielle et qu’ils ont en commun avec la très grande majorité de leurs pairs, hommes d’État et politiciens de partis (mais aussi intellectuels de pouvoir), de droite comme de gauche, c’est bien cela, qui se condense dans cette maxime : La France, ce n’est pas l’ordinaire des peuples, des nations et des États, ce n’est pas le tout venant des puissances, des cultures, des territoires et des histoires – la France, c’est l’exception exemplaire, c’est l’universel (« les valeurs ») en tant que particulier (« françaises  »).

Cette rhétorique qui nous vient du plus immémorial du discours de l’État, du discours « républicain  » appelle quelques commentaires. Elle a comme particularité de faire référence à la singularité d’une histoire et surtout d’un événement (la Révolution française) dont elle se garde bien ailleurs d’expliciter la portée pour nous et l’actualité – et pour cause, le jacobinisme, la passion de l’égalité d’un Robespierre ou d’un Saint-Just ne sont pas davantage la tasse de thé de François Hollande que de Nicolas Sarkozy. Elle suppose constamment cette sorte de miracle de la transsubstantiation de l’héritage qui ferait qu’à chaque instant la singularité de ce dont l’État (et les « élites  ») français s’estime gardiens aurait également vocation à instruire et éclairer les peuples du monde et leurs gouvernants. C’est cette croyance indéracinable, aussi puérile que présomptueuse, qui produit cet effet : tout naturellement, aux yeux du nouvel élu, la péripétie électorale du 6 mai se métamorphose en événement mondial doté d’un éclat d’exemplarité pour ainsi dire impérissable - « une nouvelle espérance pour le monde  ».

Ce que cette rhétorique suppose aussi, sans jamais l’expliciter, c’est qu’il est deux sortes de peuples, d’États, de destins nationaux : les ordinaires et les « pas n’importe qui  » - la France au premier chef. Au rang des premiers, on placerait aisément ces puissances moyennes, discrètes, sans génie propre – incapables de prêcher d’exemple de par l’éclat de leurs grands hommes et du sillon glorieux que trace leur Histoire – disons, au hasard, la Finlande, Taïwan, la Gambie, le Paraguay... Pauvres peuples sans destin, et qui traînent à la remorque de ces rares nations et États d’exception (on remarquera en passant que l’adjectif « exceptionnel  » revenait en boucle dans la bouche du sortant, Sarkozy - « vous avez été exceptionnels  », répétait-il inlassablement aux militants de l’UMP lors de son dernier discours de campagne) qui jalonnent l’Historia mundi.

Marx et Engels se moquaient de ces peuples « sans histoire » qui encombraient l’Europe centrale et orientale à l’heure du Printemps des peuples de 1848 (Tchèques, Ruthènes et autres Moldo-Valaques...). Hollande, lui, en bon disciple de Mitterrand, voit la France comme si rien n’avait changé depuis que Hegel vit passer sous ses yeux l’Esprit du monde juché sur un cheval blanc : en vecteur providentiel et à tous égards unique, exceptionnel, de l’espérance des peuples du monde. Curieux paradoxe, si l’on garde à l’esprit l’insistance avec laquelle cet homme au demeurant très ordinaire a placé sa présidence annoncée sous le signe du « normal  » - un président archi-normal pour un pays au destin unique, incomparable...

On aurait bien tort de voir dans cette envolée un dérapage incontrôlé ou la séquelle d’un vieux discours patriotique débranché. Il faut au contraire y identifier le noyau d’une présomption impériale et impérialiste qui ne s’est jamais démentie. Dans sa dimension pratique, en tant que discours destiné à informer l’action, ce propos est destiné au fond, aujourd’hui comme hier, à doter la puissance de l’État d’un crédit illimité d’ « actions impériales » de toutes sortes et toutes pourvues (dans l’esprit de ceux qui les profèrent) d’un crédit de légitimité morale et politique illimité – puisque toutes seront placées sous le signe des droits qu’ouvrent l’exemplaire exceptionnalité de ce que nous sommes en tant que nous sommes ce que nous sommes – la France. Le dernier exemple en date est tout récent – l’intervention « humanitaire  » en Libye, avec BHL dans le rôle du porteur non pas de valises, mais de « valeurs  », du croisé axiologique. Et l’on voit bien, dans ce cas, ce qu’il en est du bon usage de ce crédit auto-attribué au nom du «  pas n’importe qui  » : intervenant pour liquider Khadafi au nom des valeurs universelles (et néanmoins made in France), Sarkozy en profitera pour tenter, par la grâce de cette action sublime, d’effacer les traces de ses récentes collusions avec le dictateur - les « valeurs universelles » dans le caniveau de la très petite politique impériale.

D’une manière générale, le petit gimmick du « pas n’importe qui » remis en selle démonstrativement et inexorablement par Hollande à l’occasion de sa première expression publique a cette propriété : il rend inséparable, dans le discours public, étatique, tout ce qui couramment se subsume sous le nom des Lumières (l’héritage de...) et ce qui relève de la dimension impériale (coloniale et impérialiste) de notre Histoire. Sa mobilisation peut, en l’occurrence, être analysée comme un discret avertissement à adressé à ceux qui, en France, sont tombés du « mauvais  » côté de l’histoire coloniale : ce n’est pas demain, leur est-il signifié par le nouveau président « de gauche », que nous renoncerons à agir en toutes choses, avec vous comme avec vos pays d’origine et tous les autres « ordinaires  », en puissance impériale, en donneurs de leçons, en maîtres et énonciateurs inexorables du Droit.

Tout ceci étant énoncé d’un ton d’assurance imperturbable sur la place de la Cathédrale de Tulle, préfecture de la Corrèze, centre du Monde, capitale de l’Univers...

Publié le 30 mai 2012 par Alain Brossat sur Article XI
http://www.article11.info/?Pas-n-importe-qui

30/05/2012

DOCU : Les vendeurs de maladies (C.I)

CASH INVESTIGATION : Les vendeurs de maladies : mensonge et manipulation des grands laboratoires pharmaceutiques

Elise Lucet se penche sur les «vendeurs de maladies», ces laboratoires qui inventent de toutes pièces une pathologie pouvant correspondre à la nouvelle molécule qu'ils viennent de mettre au point, parfois malgré des effets secondaires avérés, pour lesquels ils ont déjà prévu de nouveaux médicaments. Elle évoque également Shanti Senthikuma, une Indienne de 34 ans vivant dans le Kerala, un Etat du sud ouest de l'Inde qui s'est battues pendant des années contre la compagnie Coca Cola qui, pour les besoins de production de son soda, privait la population d'accès à l'eau potable.
Synopsis : Télé Loisirs

30/05/2012

DOCU : Paradis fiscaux : les petits secrets des grandes entreprises (C.I)

CASH INVESTIGATION : Paradis fiscaux : les petits secrets des grandes entreprises
Comment les grandes sociétés échappent-elles à la «rigueur» qu'impose le monde économique actuel ? Filiales, sociétés écrans, montages comptables sophistiqués : elles ont développé de nouveaux moyens de réduire artificiellement leur facture fiscale, le tout avec la bénédiction des autorités locales. Elise Lucet évoque également le groupe d'activistes «Yes Men» qui, grâce à leurs canulars intelligents, se battent pour des causes environnementales, contre les atteintes à la liberté d'expression et contre les dérives de grandes multinationales. En l'espace de quelques années, ils ont réussi à transformer l'imposture en arme militante.

Synopsis : Télé Loisirs

30/05/2012

DOCU : Marketing vert : le grand maquillage (C.I)

CASH INVESTIGATION : Marketing vert : le grand maquillage


Le «marketing vert» consiste à utiliser des arguments écologistes pour vendre un produit. Certaines marques ont effectivement opéré une conversion «verte» pour proposer désormais des produits respectueux de l'environnement. Mais d'autres en revanche n'ont porté à leur marchandise que des modifications mineures, montées en épingle par un marketing fallacieux. Comment s'y retrouver dans la jungle du «greenwashing», cet «éco-blanchiement» qui fait passer de façon éhontée des vessies pour des lanternes basse consommation ? Enquête dans un univers où les initiatives les plus éco-responsables côtoient les mystifications les plus sophistiquées. Portrait également du lanceur d'alerte Jeffrey Wigand, qui a réussi à faire plier le plus puissant lobby américain : celui des fabricants de cigarettes.

Synopsis : Télé Loisir

30/05/2012

DOCU : Neuromarketing, votre cerveau les intéresse (C.I)

CASH INVESTIGATION : Neuromarketing, votre cerveau les intéresse.

Les marques sont de plus en plus nombreuses à scruter le cerveau de leurs clients. A l'aide d'IRM ou d'électroencéphalogramme, elles se livrent à des études sur le subconscient pour pousser à acheter. C'est le «neuromarketing», une pratique interdite. Une chaine de restauration rapide a notamment expérimenté des odeurs artificielles sur des cerveaux de consommateurs. Un géant de l'industrie cosmétique, un service public et le secteur bancaire sont eux-aussi démasqués. Portrait également de Jean-Luc Touly qui se bat contre la marchandisation de l'eau tout en étant salarié de Veolia, le numéro un mondial de la gestion de l'eau. Auteur d'un livre à charge contre son entreprise, il a été licencié puis réintégré après des années de procédure. Il tente de convaincre convaincre des communes de revenir à une gestion publique de l'eau.

Synopsis : programme-tv.linternaute.com

23/05/2012

DOCU : Pain, pétrole et corruption

Un grand documentaire d'investigation sur l'une des plus scandaleuses affaires de corruption de notre époque, perpétrée aux dépens d'un programme humanitaire mis en place par l'ONU.

"Pétrole contre nourriture" est le nom d'un programme initié par l'ONU en 1996, qui visait à satisfaire les besoins humanitaires de la population irakienne soumise à un embargo depuis l'invasion du Koweït en 1990. Il devait permettre à l'Irak de vendre une quantité limitée de son pétrole, sous contrôle de l'ONU, et d'acheter en échange de la nourriture et des médicaments. Pendant près de sept ans, "Pétrole contre nourriture" va brasser près de 100 milliards de dollars. En janvier 2004, un quotidien irakien publie une liste de personnalités et d'entreprises ayant touché des pots de vin dans le cadre de cette opération humanitaire. Le scandale éclate. L'ONU constitue discrètement une commission d'enquête indépendante, présidée par Paul Volcker, qui rend un rapport édifiant en 2005, accusant près de 2 500 individus et sociétés internationales dans une trentaine de pays. Depuis, très peu de procès ont eu lieu et les mises en examen sont tout aussi rares.Plongeant dans un univers où se croisent diplomates, fonctionnaires, avocats, affairistes, politiciens, grands patrons et agents de services de renseignement, ce documentaire raconte comment un programme humanitaire a donné lieu à l'une des plus grandes affaires de corruption mondiale de l'histoire moderne. De Dubaï à Genève en passant par Amman, Bagdad, Paris, Berlin et New York, les réalisateurs remontent une à une les étapes de cette gigantesque contrebande pétrolière. À l'aide de documents inédits et d'archives édifiantes, à travers quelques transactions exemplaires et le témoignage d'acteurs directs ou indirects, il reconstitue avec précision ce qu'il faut bien nommer un pillage, dont la principale victime a été le peuple irakien.

(Synopsis : Arte)

Réalisé par Remy Burkel et Denis Poncet

11/05/2012

Là-bas si j'y suis : La dette ou la vie

D’où vient la dette ? A-t-elle été contractée dans l’intérêt général ? Peut-on alléger le fardeau de la dette sans appauvrir les peuples ?

En France le service de la dette est le premier budget de l’État, avant celui de l’Éducation Nationale. La dette qui écrase le tiers monde depuis des années arrive au Nord.

A Liège, le CADTM propose des alternatives et milite pour un audit citoyen de la dette publique. Avec Éric Toussaint.

Nouvelle version d’un reportage d’Antoine Chao et de Daniel Mermet.

PAR ICI

 
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