20/08/2010
13/08/2010
11/08/2010
10/08/2010
D O S S I E R : Les Français, les sondages et la sécurité
E T . L A . S É C U R I T É
En complément (trouvé sur OWNI.fr)mais pas sur B E R S E R K :
10/08/2010
10/08/2010
Pacifying Resistance
Some of the most celebrated social justice victories of the 20th century are attributed to the great pacifists of our time, Mahatma Gandhi and Martin Luther King. This constitutes a historical whitewash, as these “victories” were achieved when the state weighed its options and chose the lesser of two evils: the pacifists. In this segment Derrick Jensen, Lierre Keith, Aric Mcbay, Harjap Grewal, Gord Hill and Peter Gelderloos deconstruct the Gandhi myth and show us why militant action plays an important role in movements of resistance.
Music by stig inge oy. and CJ Boyd
10/08/2010
Après Revel (de L’Express) : BHL (de partout) contre Taddeï
Sur son CV figure désormais le billet qu’il a pondu dans les colonnes du Point pour rappeler Frédéric Taddeï à la raison, comme s’était déjà employé à le faire Renaud Revel, quelques mois plus tôt. Deux solides références…
- Les interlocuteurs ont le temps de terminer leur phrase ;
- L’animateur sait s’effacer devant ses invités et tenter de valoriser leur propos ;
- L’éventail des invités est assez large.
Que ces qualités élémentaires et minimales soient une exception en dit long sur toutes les autres émissions du genre. Or, parmi les grandes figures du journalisme et de l’intelligence, on n’en trouve guère qui songeraient à critiquer le petit cirque animé par Franz-Olivier Giesbert ou la soupe servie par Guillaume Durand (pour nous en tenir aux émissions qui se présentent comme « culturelles »). On ne sait jamais : ce sont des animateurs qui peuvent encore servir. En revanche, Frédéric Taddeï…
Ce qu’il aurait fallu dire, selon Renaud Revel
Frédéric Taddeï ne connaît pas son métier. Il ne sait pas qu’un animateur doit savoir réduire au silence ses invités quand ils ne disent pas ce qu’ils sont censés dire. Telle est du moins la leçon que lui infligeait Renaud Revel sur son blog. Petit rappel.
En septembre 2009, lors du dernier débat de l’émission de rentrée, Mathieu Kassovitz, est invité, en compagnie d’Hélène Cixous, Ismaël Kadaré et Marin Karmitz, à donner son avis sur l’intérêt du débat – foisonnant sur le net mais absent des médias traditionnels – à propos des attentats du 11 septembre 2001. Le cinéaste émet des doutes sur la version officielle, avant d’être repris par les trois autres présents.
Le lendemain matin, dans un billet intitulé « Kassowitz délire et Taddeï laisse dire », M. Revel s’indigne de l’ « l’étonnante diatribe révisionniste de Mathieu Kassovitz », et surtout, de l’attitude de l’animateur qui, non content d’« offrir une tribune » à ce « Faurisson du 11 septembre », a commis l’irréparable en l’ayant laissé parler : « J’ai bien regardé ces images et le regard studieux de Taddeï, dans lequel on ne lit, à aucun moment, ni surprise, ni étonnement, pas même l’ombre d’une interrogation […] J’aurai simplement voulu entendre à un moment Taddeï dire à Kassovitz : "Il faudrait peut-être arrêter le délire" ».
En tenant ces propos, foi de Renaud Revel, Frédéric Taddeï aurait honoré avec tact le rôle d’un animateur qui serait « celui qui est censé apporter la contradiction sur le plateau »…
… Mais pas toujours, comme avait dû le rappeler le même Renaud Revel, quelques jours plus tôt, à Mélissa Theuriau, après une interview pugnace de Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, où la journaliste avait « franchi allègrement la ligne jaune ».
Dans un billet intitulé « Mélissa Theuriau se paye Brice Hortefeux : dérapage ? », M. Revel estimait alors que « cet entretien, uniquement à charge, manquait dans sa forme, à la fois de distance, de nuance, de mises en perspective, bref de l’indispensable objectivité que l’on est en droit d’attendre du premier journaliste venu […] » Et M. Revel de préciser : « […] en l’écoutant on voyait chez elle, au fil de ses questions, la volonté de dessiner, en creux, un état quasi policier dont elle s’employait à démolir les dérives, le tout au marteau pilon. Mettre en cause, comme elle l’a fait la ʺdéontologieʺ de certains policiers avait sans doute du sens, mais ses remarques, aussi fondées soient-elles, auraient eu bien plus de poids si elles avaient été étayées ». Bref, « un pamphlet anti-flic », comme on en voit malheureusement trop souvent à la télévision, et particulièrement sur M6.
N’allez pas croire qu’il aurait fallu « laisser dire » Hortefeux et « se payer » Kassovitz. Non, il aurait fallu les reprendre tous deux avec la même « indispensable objectivité » dont « le premier journaliste venu », c’est-à-dire Renaud Revel, est le juge objectif.
Ce qu’il ne fallait pas dire, (mais qui n’a pas été dit) selon BHL
« L’affaire peut sembler minuscule », nous prévient BHL dans son bloc notes du 1er juillet dernier. Et de fait, « dans le climat de décomposition ambiant », personne ne s’en était ému. Personne, sauf BHL qui veille, surveille, et réveille les consciences endormies.
« L’affaire » ? Quelle « affaire » ? Dans une interview qu’il a accordée à l’hebdomadaire Les Inrockuptibles, Frédéric Taddeï explique qu’en invitant Dieudonné à plusieurs reprise dans l’émission « Ce soir ou jamais », il a administré la preuve qu’il n’existait pas de « complot » contre le susdit et qu’il a été le seul à le faire. On peut ne pas être convaincu par l’argument et sa présentation, mais BHL a administré la preuve, et il a été le seul à le faire, que tout cela n’est pas « minuscule ». Voici comment, en quelques extraits qui ne dispensent pas de lire la version intégrale publiée sous le titre « La preuve par Taddeï ? » :
[...] On a bien lu. On se frotte les yeux, mais on a bien lu. Si les mots ont un sens, s’ils ont été relus et que l’animateur n’a, comme on peut le supposer, pas été piégé ni trahi, il est en train de nous dire, en quelques phrases, plusieurs choses.Conclusion du fabricant de phrases-postiches, qui, quelques mois après « l’affaire Botul », n’hésite pas à reprocher à Taddeï son « dilettantisme » : « […] nul ne s’est, à ma connaissance, et à ce jour, ému de ces propos […] Mais peut-être est-ce de l’intéressé lui-même que viendront le démenti, la mise au point ou, mieux, le complément d’analyse qu’espèrent tous ceux qui ne se résignent pas à voir le dilettantisme tenir lieu d’éthique, de politique et même de style. Attendons. »
1. La seule façon de lutter contre l’antisémitisme (c’est-à-dire, en l’espèce, contre une théorie du "complot juif" dont on sait, depuis Poliakov au moins, avec quelle efficacité et constance elle nourrit "la plus longue haine") est de donner la parole aux antisémites eux-mêmes […]
2. Ceux qui ne partagent pas cette analyse peuvent, dit en substance Taddeï, nous raconter ce qu’ils voudront [pour refuser d’inviter Dieudonné]. La vérité vraie, la seule […] c’est qu’ils sont, ce faisant, les agents plus ou moins occultes du fameux "complot" […]
3. Cette affaire de complot, l’idée qu’il existe donc un lobby pesant de tout son poids d’influence pour, sur ces sujets comme sur d’autres, définir, formater, imposer, une pensée unique n’est, dès lors, plus une chimère ou un fantasme mais une quasi-réalité puisque M. Taddeï est la "seule" preuve que ce complot "n’existe pas" […] Que se passerait-il si M. Taddeï n’était pas là ? […] Que deviendrions-nous si la télévision publique ne venait, dans sa très grande sagesse, de prolonger jusqu’en 2014 le bail de ce résistant ? […]
L’attente n’a pas duré longtemps. Dans Le Point daté du 8 juillet, « Frédéric Taddeï répond à BHL » : « Dans le dernier numéro du Point, Bernard-Henri Lévy me consacre tout son « Bloc-notes », qu’il termine en attendant de ma part un démenti. M. Lévy est le seul à utiliser ce genre de procédé : écrire n’importe quoi et exiger ensuite qu’on le démente... Ceci n’est pas un démenti. C’est un droit de réponse à ses élucubrations. »
La suite de la réponse de Frédéric Taddeï mérite d’être reproduite intégralement :
Si je réponds que je suis « la preuve, la seule », c’est parce qu’on me demande pourquoi je suis le seul à inviter Dieudonné ! Dans son « Bloc-notes », le complot pour interdire Dieudonné à la télévision, dont je dis qu’il n’existe pas, est assimilé par M. Lévy à un « complot juif », puis au « complot juif mondial ». Pour lui, je me présenterais comme la seule preuve que le complot juif mondial n’existe pas, ce qui voudrait dire que, sans moi, il pourrait bien exister ! On croit rêver... Il n’a jamais été question de complot juif dans l’interview, ni d’un complot juif mondial. Bernard-Henri Lévy parle tout seul et me demande de démentir les propos qu’il a lui-même tenus. Si, pour lui, dire que quelque chose n’existe pas, c’est lui donner de la réalité, c’est Bernard-Henri Lévy qui a un problème avec la réalité, ce n’est pas moi. Et le voilà qui commet une de ces « confusions » dont il devient coutumier.La vérité de la philosophie de Kant, selon BHL, est consignée dans les secrets de sa vie sexuelle, révélée par Botul. La vérité de l’émission de Taddeï, selon BHL, est condensée dans une phrase lue de travers d’un entretien accordé aux Inrockuptibles et une information hors de propos recueillie sur Twitter.
M. Lévy, tout en feignant de s’en réjouir, semble reprocher à la télévision publique d’avoir prolongé « jusqu’en 2014 le bail de ce résistant » (c’est moi, le résistant). Le hic, c’est qu’il a pêché cette info sur Twitter, sans vraiment lire, selon son habitude, car le Taddei dont « le bail » a été prolongé jusqu’en 2014, ce n’est pas moi, c’est Rodrigo Taddei, un milieu de terrain avec lequel il me confond, et France Télévisions n’a rien à voir là-dedans, il s’agit de l’AS Rome, un club de football ! Je n’ai signé aucun contrat de longue durée avec France 3. Le président de France Télévisions peut mettre fin à mes fonctions s’il le désire. Mais c’est de son ressort, pas du ressort de Bernard-Henri Lévy. Je croyais naïvement que M. Lévy voulait être le Sartre de son époque. Je me trompais. Il se contente d’un rôle moins ambitieux : agent de la circulation médiatique. Il siffle quand ça lui déplaît, agite son bâton, demande les papiers, fait souffler dans le ballon. Heureusement que nous vivons en démocratie, sinon il nous passerait à tabac !
Botul est de retour, mais flanqué cette fois d’Anastasie. Personnification de la censure, représentée avec des ciseaux, celle-ci doit son nom à Anastase 1er qui fut pape de 399 à 401 et fonda la censure chrétienne. On lui cherche un successeur pour la censure laïque. BHL, peut-être…
Yves Rebours
http://www.acrimed.org/article3424.html
07/08/2010
LA VILLENEUVE DE GRENOBLE :UNE CITE SOUS ETAT D’EXCEPTION
Au début, c'est-à-dire à partir de cette matinée du vendredi 16 juillet où les faits qui ont tout déclenché ont été connus, je n’ai pensé qu’à la mort, dans la nuit du 15 au 16, du jeune Karim Boudouda, ayant très vite découvert que sa mère était ma voisine de palier. Tout au long de la semaine, passant et repassant devant sa porte et croisant les nombreuses personnes qui venaient lui rendre visite, je méditais les événements de ce seul point de vue : quel était ce déterminisme singulier, cette fatalité tragique, qui avaient poussé le jeune homme, poursuivi par la police à 1 heure du matin, à prendre la direction du quartier de son enfance pour venir s’écrouler sous les balles à 200 mètres à peine de la maison de sa mère ? J’ai pu voir dimanche 18 l’endroit précis, face au 30, Galerie de l’Arlequin, où son corps est resté couché pendant près de quatre heures, exposé à découvert au regard de tant de jeunes qui le connaissaient et je ne laissais pas de m’interroger sur ce que ce temps suspendu pouvait rétrospectivement ajouter au fardeau du deuil.
Je ne peux pas dire que j’ai été témoin des événements. Ceux-ci se sont déroulés la nuit essentiellement, dans un rayon relativement restreint autour du lieu où le jeune braqueur a trouvé la mort, mais dans un enchaînement et selon une logique qui les soustrayaient à la vue d’un spectateur occasionnel et isolé cantonné à son poste d’observation. Et dans les épisodes de répit, on apprend peu de choses par ouï-dire car les gens répugnent à échanger au hasard des rencontres.
Mais il n’importe, je peux tirer quelques enseignements de la situation générale résultant des faits et surtout de la manière dont on a rendu compte des événements et des dispositions prises en réaction. Je les développerai en deux points.
1. Sur le fait générateur des événements : la mort de Karim BoudoudaQuelle que soit l’évaluation que l’on peut faire des désordres qui se sont produits dans le quartier, le fait le plus grave reste cette mort. Il devrait toujours en aller ainsi en pareille circonstance : s’il y a mort d’homme, aucune diversion ne saurait en distraire l’attention.
Comme ce fut le cas pour les émeutes de 2005, et comme ce fut le cas pour les incidents qui se sont produits depuis lors dans les cités sur une échelle plus réduite, c’est la mort d’un jeune issu de l’émigration, impliquant la police, qui a déclenché les désordres. Sans doute, le jeune homme venait-il de participer au braquage du casino d’Uriage. Sans doute était-il un braqueur multirécidiviste. Mais l’instinct (certains diraient le calcul) qui lui avait commandé de faire son ultime repli sur le quartier de son enfance, avec la police à ses trousses, avait d’emblée compromis toute chance que cette affaire soit jamais vécue comme un banal fait-divers. L’enquête sur les circonstances de sa mort, en dehors même du devoir qu’en fait la loi aux autorités, constituait (et constitue encore) un enjeu crucial pour l’évolution de la situation.
Dès le premier jour pourtant, on n’a pas su tolérer le moindre doute sur les circonstances de cette mort. La réserve qui aurait dû commander d’attendre le résultat des expertises était pourtant, ne serait-ce que pour la forme, indispensable. Je n’attendrais personnellement rien de l’enquête, sachant que la politique sécuritaire du pouvoir actuel requiert une immunité à toute épreuve de la police. Il n’en demeure pas moins que, à défaut de ce respect minimal des formes, j’ai encore moins de raisons d’accorder à la thèse officielle de la légitime défense des policiers plus de crédit qu’à la thèse – tout aussi invérifiable – que j’entends bruire depuis plusieurs jours à la Villeneuve : Karim Boudouda a été délibérément abattu par la police et, dans la version la plus populaire, il a été achevé à terre. Car les choses sont ainsi faites que lorsque les procédures légales de vérité sont court-circuitées, il n’y a rien à opposer à la séduction de la rumeur.
Je le répète, le sujet que l’on a dédaigné d’une façon si résolue était d’une extrême sensibilité : Karim Boudouda, venu mourir devant le 30, Galerie de l’Arlequin, est resté exposé pendant près de quatre heures au regard des habitants. C’est la brigade anti-criminalité (BAC) qui a tiré la balle mortelle, c’est-à-dire l’unité de la police la plus honnie sur le quartier, celle qui s’illustre, dans toutes les cités de France, par la brutalité de ses procédés et l’extrême violence de ses provocations racistes. Cette brigade, nous dit le Dauphiné Libéré incidemment, sans en tirer de conclusion, a pris en chasse les braqueurs d’Uriage, alors qu’elle se trouvait « précisément sur la commune – pourtant située en zone gendarmerie » (édition du 17 juillet). Cette indication fournie de façon anodine suscite une interrogation : la BAC était-elle habilitée à intervenir et de façon si dangereuse ? Selon des témoignages convergents, ce furent, après la mort du jeune homme, des heures de face-à-face entre les jeunes du quartier et les agents de la BAC, des heures durant lesquelles les pires invectives ont été échangées, beaucoup ayant eu le sentiment que les policiers se livraient à une danse du scalp autour de leur trophée. Mais à cet instant-là – qui sait ? – la révolte de certains jeunes de la Villeneuve n’était peut-être pas écrite.
On aurait eu l’occasion d’en juger si le procureur de la République n’avait pas déclaré d’emblée que les policiers avaient tiré en état de légitime défense et si tous les médias n’avaient pas relayé cette opinion comme une information attestée. Par la suite, il aurait fallu que le Dauphiné Libéré ne s’empresse pas de titrer en une le samedi 17 : « La police riposte, un braqueur tué » ; que, ayant relevé la nécessité pour l’inspection générale de la police « de faire la lumière sur les circonstances de la fusillade au cours de laquelle les policiers ont abattu le suspect dont le corps sera autopsié aujourd’hui », sa journaliste n’ajoute pas aussitôt que « au vu des éléments dont ils disposent déjà, la thèse de la légitime défense semble indiscutable ». Car dès lors, à quoi pouvaient encore servir l’enquête et la dite autopsie ?
Comment expliquer ce consensus prématuré entre les autorités, toutes compétences confondues, et la presse, sachant que celle-ci se limite à un seul quotidien, lié aux milieux d’affaires et aux notables ?
Comme à son habitude, la communication officielle a tronqué et raccourci, sans égard pour les conséquences. Et cette fois-ci encore, au nom d’un péril à conjurer, d’une « guerre » à mener.
Dès le premier jour, la presse a titré sur l’ « armement de guerre » utilisé contre la police par les deux braqueurs du casino d’Uriage, les autorités ont parlé d’ « armes lourdes » et il m’a bien semblé entendre le procureur de la République dire que les assaillants avaient une « mitrailleuse ».
Le préfet de l’Isère a été limogé et remplacé par un ancien gradé de la police. Il a presque applaudi à sa propre éviction, au nom de la "guerre" qu’il fallait mener contre la délinquance. Peut-être se satisfaisait-il ainsi à demi-mot de n’être pas le soldat que requérait pareille entreprise. Car le ministre de l’intérieur, dépêché dimanche 18, à Grenoble venait d’instaurer une sorte d’Etat d’exception. Auparavant, en guise de transport sur les lieux, il s’était arrêté une dizaine de minutes, sous haute protection, dans un coin de parking en retrait de l’Arlequin, non loin d’une déchetterie. Louable discrétion, au demeurant, venant d’un ministre qui ne s’était pas déplacé pour apaiser les esprits et qui venait d’être condamné quelques semaines plus tôt pour « injure raciale ». Devant la presse, et après avoir dénombré les effectifs qui seraient mobilisés à la Villeneuve, il a déclaré :
Les forces de sécurité ont reçu pour mission de mettre un terme aux violences, de rechercher les fauteurs de troubles et de les déférer à la justice. Au-delà de cette réponse immédiate, j’ai demandé au préfet de l’Isère d’organiser, dès cette semaine, en liaison avec le maire de Grenoble et le procureur de la République, une réunion rassemblant l’ensemble des acteurs publics locaux concernés (forces de sécurité, services de l’Etat, services fiscaux, services sociaux, acteurs associatifs, etc.). Cette réunion aura pour objet de faire un point d’ensemble sur la situation locale et d’arrêter les réponses spécifiques et concrètes à apporter pour une sécurité durable à Grenoble et tout particulièrement dans le quartier de la Villeneuve. (Le Dauphiné Libéré du 19 juillet).
Et pour l’avenir, quelle approche M. Hortefeux nous a-t-il proposée ? La justice, les services de l’Etat, les services fiscaux et sociaux, les associations elle-même, placés pour une période indéterminée sous les ordres du ministre de la police, c’est-à-dire l’Etat de police proclamé dans la Villeneuve. Et de fait, pendant ces nuits où la police a les pleins pouvoirs dans le quartier, on fouille les caves (brisant au besoin les portes ou abattant des pans de murs pour y accéder) et certains appartements, on réactive toutes les enquêtes en cours pour rechercher les délinquants, les trafiquants et leurs produits illicites. On fait avancer de vieux dossiers ! Autrement dit, la mission de rétablir l’ordre dévolue à la police s’est éloignée de sa cause initiale et sous couvert de ramener la tranquillité et la sécurité, on a ratissé dans toutes les directions. Une mission ponctuelle s’est prolongée en entreprise de police multiforme qu’une action d’organismes publics et privés hétéroclites coordonnés par les forces de sécurité est appelée à accompagner. Dans une telle perspective, les services fiscaux et sociaux seraient sommés de mettre leurs fichiers au service de l’action répressive et les « acteurs associatifs » de se mettre au garde-à-vous.
Or, le télescopage du braquage d’Uriage avec le mécontentement rageur de certains jeunes de la Villeneuve ne saurait justifier que l’enquête menée contre le banditisme englobe la politique à conduire auprès de la jeunesse du quartier. Ce mardi 27 juillet, on apprenait la découverte d’armes dans le sous-sol du bar de l’Arlequin au moment où le ministre de l’intérieur annonçait des mesures pour protéger les policiers de la BAC, qui auraient fait l’objet de menaces de mort. Le Dauphiné Libéré rappelle à cette occasion que depuis le début des événements, les policiers « avaient été ouvertement menacés de mort par des habitants du quartier de la Villeneuve » et cette indéfinition dans l’incrimination peut tenter les amateurs de généralisation. Plus loin, le journaliste y va d’une interprétation inspirée des propos entendus dans la bouche de responsables des syndicats de policiers :
Les menaces explicites qui pèsent aujourd’hui sur les hommes de la BAC témoignent d’un état d’esprit particulièrement inquiétant : pour les délinquants du quartier, les policiers apparaissent en effet comme les membres d’une bande rivale venus tuer l’un des leurs sur leur territoire, et non plus comme des garants de la sécurité et de l’ordre républicain.
Sur ce dernier point, nous avons l’aveu perspicace d’une réalité même si elle s’édicte sous la forme d’une demi-vérité instrumentalisée : il n’y a pas que les « délinquants » qui ont du mal à considérer les policiers comme « des garants de l’ordre républicain » parmi ceux qui espèrent encore quelque chose de cet ordre-là.
Cette référence à une lutte grégaire pour un territoire qui serait à la fois un ghetto social dangereux et un repaire du banditisme ne me paraît être qu’un élément du langage de guerre retenu. Une guerre requiert l’assignation d’un ennemi sur un champ bataille. Pour les manœuvres de la force armée de l’Etat qui se déroulent à la Villeneuve, on a pu vérifier que la réunion préalable de ces deux éléments sur le même site était une belle commodité. Le quartier a la configuration d’un champ clos. On ne passe pas par la Villeneuve, on ne s’y engage pas distraitement au détour d’une rue. On y entre, comme dans un monde. Dans l’Arlequin-Nord, théâtre de l’essentiel des événements, les galeries délimitent l’accès dont le franchissement vous fait quitter la ville pour côtoyer une population qui y paraît, en temps normal déjà, assignée à demeure. La transition est d’autant plus surprenante que le quartier n’est pas une banlieue distante, comme certains ensembles de la région parisienne.
Pour un pouvoir qui a opté, sans égard aux priorités authentiques de la Villeneuve, pour la gesticulation sécuritaire, cet espace différencié se prête aux expéditions armées et le quartier a donné ces derniers jours l’apparence d’une enclave prise d’assaut, tout près d’une ville qui vivait au rythme des (autres) animations estivales.
L’Etat d’exception que le ministre de l’Intérieur a taillé aux mesures de la Villeneuve n’était certainement pas le moyen approprié de traiter les suites dramatiques de la mort du jeune braqueur d’Uriage. Mais il est tellement plus facile à entreprendre et plus rentable politiquement que ce fameux (et fumeux) plan Marshall promis à tous les quartiers « en difficulté ».
06/08/2010
Economie : Plus belle la vie...
06/08/2010
H1N1: Le rapport qui dénonce le gaspillage des fonds publics...
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Après le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, qui parlait le 13 juillet d'« échec de santé publique », voici publié - ce jeudi- le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la gestion de la pandémie de grippe H1N1 .
Ce dernier accuse le gouvernement de s'être "empêtré" dans des contrats "déséquilibrés" et rigides signés avec les producteurs de vaccins, qui ne lui ont pas laissé "beaucoup de choix"[°0]
Le rapport s'intéresse particulièrement aux contrats signés en juillet-août 2009 avec les fabricants pour 94 millions de doses, dont 50 millions ont fait l'objet d'une résiliation début janvier.
"Les scénarios les plus pessimistes ont été privilégiés", notent les sénateurs, parlant de "déni de réalité". "Pourquoi certains gouvernements ont-ils cédé au chantage de l'industrie pharmaceutique alors que d'autres ont tenu bon?" demandent-ils.
Pour eux, il y a eu "surestimation constante du risque par le gouvernement", "dramatisation infondée de sa communication" et "stratégie vaccinale surdimensionnée", avec "gaspillage des fonds publics"[°0]
Pour rappel : Le groupe pharmaceutique Sanofi Aventis a publié un bénéfice net 2009 en hausse de près de 13% et un chiffre d'affaires annuel en progression de plus de 5%. : Le groupe pharmaceutique Sanofi Aventis a publié un bénéfice net 2009 en hausse de près de 13% et un chiffre d'affaires annuel en progression de plus de 5%. Sanofi a vendu pour 440 millions d'euros de vaccins contre la grippe H1N1[°0]
http://larageauventre.blogspot.com/2010/08/h1n1-le-rapport-qui-denonce-le.html
06/08/2010
Un individualisme sans liberté ?
Un individualisme sans liberté ? Vers une approche pragmatique de la domination
Il est classique en sociologie d’opposer les constructions qui mettent l’accent sur les individus et les constructions qui mettent l’accent sur les institutions. Cette première opposition en croise souvent une seconde, avec d’un côté, des sociologies qui mettent l’accent sur la liberté des acteurs et sur leurs capacités d’opérer des choix en mettant en œuvre leur raison ou encore à s’ajuster pragmatiquement aux contraintes de la situation et, de l’autre, des sociologies critiques qui insistent sur les contraintes qui s’imposent à eux. Ces dernières se distribuent elles-mêmes entre des théories qui voient dans les institutions des instruments de protection des individus (comme c’est le cas d’une certaine façon chez Émile Durkheim) et des théories qui, à des degrés divers, assimilent les institutions à des instruments de domination (comme c’est plus ou moins le cas dans nombre de théories critiques développées dans les années 1960-1970).
Je voudrais présenter ici les grandes lignes d’un cadre d’analyse, en cours d’élaboration, dont l’une des intentions est de prendre au sérieux la question de la domination sans jeter par dessus bord les institutions. Ce cadre d’analyse s’efforce de prendre en compte certains acquis de la sociologie pragmatique à laquelle j’ai participé dans les années 1980-1990 (notamment Boltanski, 1990 ; Boltanski et Thévenot, 1991), tout en renouant avec certains motifs de la sociologie critique de Pierre Bourdieu qui a marqué ma formation sociologique (voir Boltanski, 2008). Ce retour pragmatique vers la critique – préoccupant d’autres sociologues passés par la sociologie pragmatique (Corcuff, 2002-a) - avait été amorcé par un travail en commun avec Ève Chiapello (1999), mais demandait à être systématisé dans une nouvelle théorie critique. Cette démarche pourra éclairer de manière décalée, tant sur le plan de la sociologie que de la philosophie politique, les problèmes associés aux notions d’« individu », d’« individualisation » et d’« individualisme » qui préoccupent les contributeurs de cet ouvrage. […]
Il faut souligner un trait particulièrement important de ce mode de gouvernance autour duquel se nouent aujourd’hui des liens nouveaux entre le capitalisme et l’État, consolidés par l’échange entre techniques de management et procédures de légitimation. Il s’agit du caractère instrumental, strictement gestionnaire des interventions, et de leurs justifications. Les mesures adoptées, toujours présentées comme nécessaires, trouvent leur principe de nécessité dans le respect d’un cadre, le plus souvent comptable ou juridictionnel, sans exiger un large déploiement de discours idéologiques. Dans le cas de la domination par le changement, tout se fait sans apparat. Le caractère technique des mesures rend difficile, voire d’ailleurs inutile, leur transmission à un large public. Rien, ou presque, ne vient assurer la cohérence d’ensemble si ce n’est précisément le cadre comptable et/ou juridictionnel général auquel les mesures particulières doivent s’ajuster. Ces cadres comptables et juridictionnels – ce « gouvernement par les normes » comme dit Laurent Thévenot (1997) – reposent sur une extension de la logique du management, qui est un art de la fragmentation ou plutôt l’art de coordonner des individus détachés de leur appartenance et donc substituables les uns aux autres, en les plaçant, chacun pris séparément, sous l’emprise de la règle (ce qui fut la grande idée de Taylor). Cela, sans nécessairement qu’ils en aient eux-mêmes conscience, et dans la visée purement instrumentale du profit.
Le mode de domination dont je viens de donner un rapide signalement ne fait pas que défaire des collectifs existants porteurs de critiques. Il entrave la formation, au sein des dominés, de collectifs nouveaux, notamment en cherchant à susciter des attentes dont la réalisation, conformément à une idéal méritocratique, dépendrait uniquement des possibilités données aux individus d’exploiter les gisements de capacités qui dorment en eux : « si on veut on peut ». Mais comme, même si on le veut, on s’aperçoit assez vite qu’on ne peut pas grand-chose, alors il faut bien que chacun se retourne contre les autres, c’est-à-dire habituellement ses plus proches : chacun « pourrait » si les autres, (les camarades de classe, les voisins de bureau, les collègues d’atelier, ou d’Université, etc.) ne le lestaient pas du poids de leurs propres « incapacités ». Ce que l’on a appelé, depuis trente ans, « la montée de l’individualisme » – le dernier grand récit auquel la philosophie sociale semble avoir daigné croire – a vraisemblablement à voir avec ces nouveaux effets de domination, même si les phénomènes visés ne peuvent leur être entièrement imputés, comme le montrent une série de contributions de cet ouvrage.
Mais l’approche proprement sociologique que j’ai commencé à déployer ici ouvre sur des questions relevant de la philosophie politique et même de la praxis politique. La légitime autonomie scientifique de la sociologie par rapport à des préoccupations plus directement politiques ne doit pas nous empêcher, au nom d’une illusoire indépendance et « neutralité » scientiste, de nous efforcer de penser des connexions entre différents registres (sociologie-philosophie politique-praxis politique). Dans une telle perspective, une prise de conscience de la contradiction herméneutique ne débouche pas nécessairement ni sur un rejet de la critique au nom d’une valorisation – actuellement très en vogue, même à gauche – des sources (supposées) d’autorité (le bien commun supra-individuel, la loi du Père, l’État impartial, le droit, la science absolutisée, etc.), ni, à l’inverse, sur un rejet de l’idée même d’institutions c’est-à-dire d’instances sans corps investies de la charge de dire ce qu’il en est de ce qui est afin d’atténuer l’incertitude propre à la vie sociale.
Une philosophie politique renouvelée s’orienterait plutôt vers une prise de conscience de la contradiction herméneutique en vue de son déplacement. Mais à la condition, radicalement démocratique, que cette prise de conscience et ce déplacement soient également distribués entre tous les membres du collectif. Il est difficile d’évaluer tous les effets qu’exercerait un tel déplacement, mais on peut penser qu’il ouvrirait aux personnes de nouvelles possibilités dans la construction de collectifs – et notamment de devenir réellement ces êtres encore embryonnaires qu’invoque la sociologie, c’est-à-dire des individus et des acteurs. Cela sans sous-estimer les conflits qui les opposent au nom d’un consensus illusoire (qui, le plus souvent, a été un habillage de la domination), mais aussi sans se fixer sur le moment, aussi nécessaire soit-il, du conflit dans la mesure où l’accord pourrait se faire sur rien de plus que le caractère provisoire et révisable des formes de qualification, des formats d’épreuves, des définitions de la réalité. Dans une utopie de ce genre, deux dimensions fondamentales et liées pourraient être envisagées différemment de la façon dont elles sont traitées dans les sociétés structurées par la domination : le couple fragilité/incertitude et le couple individualités/collectifs. Tout d’abord, le monde social serait reconnu pour ce qu’il est, c’est-à-dire dans sa fragilité constitutive et dans son incertitude structurelle, et aurait donc à s’en ressaisir pour les mettre au panthéon de ses « valeurs » au lieu de prétendre toujours les résorber définitivement (voir aussi Corcuff, 2002-b). D’autre part, une association des individualités, rendant possible le déploiement des capacités individuelles, serait envisageable, dans la perspective libertaire ouverte par Marx (1965, p.614) « d’hommes librement associés, agissant consciemment et maîtres de leur propre mouvement social ». Cela supposerait toutefois que l’optimisme historique de Marx soit tempéré par un sens du tragique et que le caractère infini des contradictions sociales ne soit pas rabattu sur une vision harmonieuse du futur, selon les indications critiques fournies par Maurice Merleau-Ponty (2000).
Un tel horizon politique appelle l’émergence de pratiques radicales nouvelles, dans des rapports réinventés entre sociologie, philosophie politique et praxis politique.
http://www.contretemps.eu/lectures/individualisme-liberte06/08/2010
Al-Qaida contre les talibans
Deux stratégies islamistes qui s’opposent
Al-Qaida contre les talibans
De la Somalie à l’Afghanistan, de l’Irak au Liban, en passant par la Palestine (lire « Comment le monde a enterré la Palestine »), se dessine un arc du chaos caractérisé par l’affaiblissement des Etats et le rôle croissant de groupes armés disposant d’un armement efficace (notamment roquettes et fusées) et échappant à tout contrôle centralisé. Pour les Etats-Unis, ces zones sont devenues le terrain principal de la « troisième guerre mondiale », de la « guerre contre le terrorisme ». Cette vision nourrit la stratégie de l’organisation Al-Qaida, engagée dans une lutte à mort contre « les croisés et les juifs ». Pourtant, sur le terrain, ces discours simplistes ne recouvrent pas une réalité bien plus contradictoire. En Irak, on assiste à une mobilisation d’une partie de la résistance sunnite contre les dérives d’Al-Qaida qui s’est lancée dans un sanglant combat contre les chiites, n’hésitant pas à s’en prendre à leurs lieux de culte. En Afghanistan, de violents incidents ont opposé les talibans aux combattants étrangers d’Al-Qaida, les premiers privilégiant une stratégie nationale (et la recherche d’un modus vivendi avec le pouvoir pakistanais) et les seconds appelant au renversement des régimes musulmans en place, dénoncés comme « impies ».
Par Syed Saleem Shahzad
Deux incidents récents illustrent les divergences croissantes au sein des mouvements islamistes armés. Au Waziristan sud, une zone tribale du Pakistan située à la frontière afghane, des talibans locaux ont perpétré en mars 2007 un massacre de combattants étrangers du Mouvement islamique d’Ouzbékistan, affilié à Al-Qaida ; presque simultanément, des combats féroces opposaient l’Armée islamique en Irak à la branche locale d’Al-Qaida. Deux stratégies – deux manières de concevoir le combat islamiste – s’affrontent, de plus en plus violemment.
Depuis 2003, des volontaires étrangers affluent au Pakistan et en Irak. Pourtant, loin de réjouir les dirigeants des talibans et les groupes de résistance islamiques autochtones, cette arrivée de combattants radicaux acquis au takfirisme – une idéologie qui considère les « mauvais musulmans » comme les principaux ennemis (lire « Une idéologie messianique, le takfirisme ») – a provoqué un malaise. En faisant la guerre à des gouvernements musulmans, ces militants ont déchaîné le chaos sur ces mêmes populations qu’ils prétendaient défendre.
Pourtant, trois années durant, entre 2003 et 2006, la complexité même de la situation dans ce vaste théâtre de guerre que sont les deux Waziristans, l’Afghanistan et l’Irak avait renforcé l’influence doctrinaire d’Al-Qaida et réduit au silence les groupes autochtones. Dans les deux Waziristans, des takfiristes avaient favorisé l’émergence d’« Etats islamiques », qui échappaient à la juridiction du Pakistan et alimentaient des actions armées dans les grands centres urbains, avec pour objectif ultime de déclencher un soulèvement contre le régime militaire pro-occidental d’Islamabad. En réaction, l’armée pakistanaise avait conduit des opérations sanglantes, massacrant des centaines de non-combattants, y compris des femmes et des enfants, et alimentant ainsi la fureur des extrémistes. Déjà, à l’époque, de nombreux dirigeants talibans reconnaissaient en privé que les takfiristes se fourvoyaient en délaissant la stratégie exclusivement antioccidentale prônée par M. Oussama Ben Laden dans les années 1990, et qu’ils avaient tort de transformer leur guerre de résistance nationale contre l’occupation étrangère en un assaut contre le pouvoir militaire du Pakistan.
En Irak, Abou Moussab Al-Zarkaoui, l’un des principaux dirigeants takfiristes, qui avait quitté le Waziristan pour rejoindre ce pays à la veille de l’invasion américaine, était devenu le responsable le plus en vue de la résistance. Al-Zarkaoui avait fait publiquement allégeance à M. Ben Laden ; autour de lui s’étaient regroupés des militants, des étrangers pour la plupart, qui constituaient la branche irakienne d’Al-Qaida. Très vite, la situation en Irak allait ressembler à celle des Waziristans et de l’Afghanistan.
Après la chute de Saddam Hussein, les forces de résistance locales mirent un certain temps à se mobiliser. Il leur fallut plusieurs mois pour organiser diverses tribus, des groupes religieux fragmentés, des membres du Baas – l’ancien parti de Saddam Hussein – et des officiers de la défunte garde républicaine en unités de combat efficaces. Entre-temps, les combattants étrangers accourus des quatre horizons du monde musulman sous l’étendard noir d’Al-Qaida avaient constitué un majlis al-choura (conseil) et faisaient preuve d’une efficacité que n’avaient pas encore les groupes autochtones. Dans ces conditions, ces derniers ne pouvaient guère exprimer leurs réserves sur l’idéologie takfiriste. Certains avaient déjà eu l’occasion de déplorer les débordements d’Al-Qaida, qui, bien que sunnite comme eux, délaissait la lutte contre l’occupant américain pour s’attaquer à des lieux saints chiites.
Pourtant, confirmée par l’annonce d’Al-Qaida à la fin de 2006 de la création d’un émirat « idéologiquement pur » en Irak, la stratégie des groupes autochtones a été totalement soumise à l’idéologie takfiriste et à son programme fratricide. La guerre contre l’occupation s’est muée en une myriade cauchemardesque de luttes sectaires. Et les germes de la rupture entre combattants « internationalistes » et résistance autochtone ont été semés.
Pour comprendre ces divergences, il est nécessaire d’examiner les circonstances particulières qui ont contribué aux transformations idéologiques d’Al-Qaida, lors du djihad contre l’occupation soviétique en Afghanistan au cours des années 1980, et par la suite. Les Arabes qui avaient afflué dans ce pays pour se joindre à la résistance locale se partageaient en deux camps, « yéménite » et « égyptien ».
Les religieux venus en Afghanistan à l’instigation de leurs imams appartenaient au premier camp. Quand ils ne combattaient pas, ils passaient leurs journées à suivre un rude entraînement, cuisinaient eux-mêmes et se couchaient aussitôt après l’isha (dernière prière de la journée). Le djihad afghan tirant vers sa fin, ils vont rentrer au pays, ou se fondre dans la population locale, en Afghanistan ou au Pakistan, où beaucoup d’entre eux se marieront. Parmi les membres d’Al-Qaida, ceux-là sont qualifiés de dravesh (« aimant la vie facile »).
Le camp « égyptien » se composait des plus politisés et des plus idéologiquement motivés. La plupart étaient affiliés aux Frères musulmans (1), mais rejetaient la voie parlementaire prônée par cette organisation. Pour des hommes acquis à ces idées, souvent instruits – médecins, ingénieurs, etc. –, le djihad afghan offrait un puissant ciment. Beaucoup étaient d’anciens militaires adhérents du mouvement clandestin Djihad islamique du docteur Ayman Al-Zawahiri (devenu depuis le bras droit de M. Ben Laden). C’est ce groupe qui avait assassiné le président Anouar El-Sadate en 1981 pour le punir d’avoir signé la paix avec Israël à Camp David trois ans plus tôt. Tous sont convaincus que les Etats-Unis et leurs gouvernements « fantoches » au Proche-Orient sont responsables du déclin du monde arabe.
Des guerriers assez frustes
Au sein du camp égyptien, après l’isha, on débattait sans cesse de l’avenir. Les dirigeants inculquaient à leurs adeptes la nécessité d’investir leur énergie dans les forces armées de leur pays et de cultiver idéologiquement les meilleurs cerveaux.
Aux sources d’Al-Qaida se trouve le Maktab Al-Khadamat (« bureau des services »), créé par le docteur Abdullah Azzam à partir de 1980 pour soutenir la résistance afghane. Son fondateur trouve la mort en 1989 dans un attentat (2) ; M. Ben Laden, l’un de ses principaux disciples, lui succède alors à la tête du mouvement pour le transformer en Al-Qaida.
« La plupart des combattants “yéménites” – guerriers assez frustes, dont la seule ambition était le martyre – ont quitté l’Afghanistan après la chute du gouvernement communiste, nous expliquait, au cours d’un entretien récent à Amman, le fils du fondateur du Maktab Al-Khadamat, M. Houdaifa Azzam. Les “Egyptiens”, eux, sont restés, car leurs ambitions politiques demeuraient insatisfaites. Plus tard, ils ont été rejoints par Ben Laden, revenu du Soudan en 1996, et ils ont entrepris de le convertir à la vision takfiriste, alors que jusque-là sa pensée était tournée entièrement vers la lutte contre l’hégémonie américaine au Proche-Orient. »
M. Azzam a passé presque vingt ans auprès de militants arabes en Afghanistan et au Pakistan. « Lorsque j’ai rencontré Ben Laden à Islamabad en 1997, il était flanqué du Somalien Abou Obadia et des Egyptiens Abou Haf et Saifoul Adil [tous trois ayant appartenu au camp « égyptien »], et j’ai compris que leurs idées extrémistes avaient de l’influence sur lui. En 1985, lorsque mon père avait demandé à Ben Laden d’aller en Afghanistan, il avait répondu qu’il n’irait qu’avec la permission du roi Fahd – qu’il honorait encore à l’époque du nom de wali al-amr [autorité suprême]. Après le 11-Septembre, quand il dénonça les dirigeants saoudiens, j’ai pu mesurer combien le camp “égyptien” l’avait influencé. »
Telle était donc la situation quand, au début de 2006, plus de quarante mille combattants aguerris d’origine arabe, tchétchène et ouzbèke, aux côtés des Waziristanais et d’autres militants pakistanais venus des villes, se rassemblèrent dans les Waziristans nord et sud. Le leadership taliban en Afghanistan se trouvait confronté à un dilemme, car la majorité de ces militants préférait combattre les forces armées pakistanaises dans la zone tribale plutôt que de lutter contre l’occupation en Afghanistan. M. Tahir Yaldeshiv, militant ouzbek connu et idéologue takfiriste basé dans le Waziristan sud, avait prononcé une fatwa à l’appui de cette priorité stratégique ; MM. Abdul Khaliq et Sadiq Noor, de la direction des talibans au Waziristan, s’étaient prononcés dans le même sens. Enfin, la création d’Etats islamiques dans les Waziristans nord et sud avait exacerbé le conflit entre l’Etat pakistanais, d’une part, et les talibans de ce pays et Al-Qaida, d’autre part.
De nouveaux affrontements semblaient inévitables. La direction des talibans afghans a compris que ce conflit risquait de retarder la grande offensive contre les forces de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) en préparation pour le printemps 2006 et qu’il fallait le désamorcer au plus vite (3). Le mollah Mohammed Omar, le chef en fuite des talibans, envoya le mollah Dadullah (l’un des meilleurs commandants du sud-ouest de l’Afghanistan, tué en mai 2007) persuader les talibans pakistanais et les factions d’Al-Qaida de se concentrer sur cette offensive au lieu de gaspiller leurs forces. Cette médiation aboutit à un accord de paix, le 5 septembre 2006, entre les forces pakistanaises et les talibans de la zone tribale, qui prévoyait notamment le renvoi de tous les combattants étrangers. Ce cessez-le-feu a permis au pouvoir pakistanais de tisser des liens solides avec les leaders talibans dans les deux Waziristans. Ces derniers ont reçu des quantités appréciables d’armes et d’argent et de flatteuses invitations à Islamabad.
L’accord signé résultait du constat fait par la direction des talibans : après cinq années de collaboration avec Al-Qaida, la résistance en Afghanistan était dans une impasse. Certes, elle était devenue plus forte. L’offensive de 2006 a été un cas d’école de guérilla jouissant du soutien de la population, fabriquant des bombes artisanales et employant des techniques de guérilla urbaine apprises en Irak. Les troupes de la coalition dirigée par les Etats-Unis et l’OTAN ont essuyé des pertes significatives (environ cent cinquante tués en 2006). Mais les talibans n’ont pu atteindre aucun objectif stratégique majeur, comme l’auraient été la prise de Kandahar ou l’encerclement de Kaboul. Les commandants talibans admettent volontiers que leur organisation ne peut espérer gagner une bataille contre un Etat structuré. Ils pensent certes qu’ils pourraient mobiliser les masses, mais ils savent qu’il n’en résulterait qu’un tapis de bombes et le massacre de leurs sympathisants. La solution consistait donc à trouver d’autres ressources d’origine gouvernementale. Ils ont tout naturellement tourné leur regard vers leur ancien protecteur, le Pakistan – d’où l’accord du 5 septembre.
Les leaders talibans, tant au Waziristan qu’en Afghanistan, étaient satisfaits de ce compromis et n’ont guère critiqué l’expulsion des combattants étrangers ; chacun supposait qu’ils allaient rejoindre en masse la résistance afghane. Ils n’étaient pas mécontents non plus de se débarrasser d’Al-Qaida et des éléments qui développaient une stratégie globale les détournant du combat contre les forces de l’OTAN.
En revanche, l’accord était inacceptable pour les « guerriers planétaires » d’Al-Qaida, rêvant d’un conflit régional sur plusieurs fronts, mené à partir des bases nouvellement établies au Waziristan. La perspective de petites escarmouches en Afghanistan ne compensait guère leur rêve d’une victoire éclatante sur la direction pakistanaise, musulmane non pratiquante. De plus, Al-Qaida pensait bénéficier de nouveaux atouts.
De nombreux groupes de combattants étrangers s’étaient rassemblés sous la bannière de M. Al-Zawahiri : Al-Jamaa Al-Mouquatila, essentiellement libyen et commandé par le cheikh Abou Lais Al-Lybi ; la Jabha Al-Birra d’Ibn Al-Malik, elle aussi composée pour l’essentiel de Libyens ; le Jaysh Al-Mahdi, créé par un Egyptien, feu Abdoul Rahman Canady, et dirigé à présent par Abou Eza ; un groupuscule issu de Jammat Al-Jihad composé surtout d’Egyptiens ; les takfiristes commandés par Cheikh Essa ; et le Mouvement islamique d’Ouzbékistan de M. Yaldeshiv. Au même moment, selon les services pakistanais, Al-Qaida réactivait certaines de ses sources de financement – notamment à travers les Emirats arabes unis – taries à la suite des attentats du 11-Septembre.
Les dirigeants d’Al-Qaida comprirent vite que les accords entre le Pakistan et les talibans constituaient une menace ; ils craignaient également que les talibans ne soient piégés par les services de renseignement pakistanais. Ils cherchèrent donc à torpiller la trêve en exploitant des divergences entre les signataires. Une occasion leur fut fournie par le bombardement d’un camp d’entraînement au Waziristan sud par l’aviation pakistanaise, le 17 janvier 2007, qui tua plusieurs combattants étrangers. M. Baitullah Mehsud, l’un des rares dirigeants talibans au Waziristan sud, dénonça les accords, considérant que le Pakistan les avait violés. M. Yaldeshiv lui apporta aussitôt son appui en dépêchant plus d’une dizaine d’escouades de kamikazes pour semer la terreur dans les centres urbains pakistanais. Le bilan fut lourd parmi la population civile, mais les accords survécurent. Pourtant, le président Pervez Moucharraf doit affronter une sérieuse crise interne née de sa décision, en mars 2007, de destituer M. Iftikhar Mohammed Chaudhry, président de la Cour suprême, et faire face à un conflit avec la Mosquée rouge (Lal Masjid) à Islamabad, qui cherche à imposer une islamisation de style taliban dans la capitale (4).
Si les accords ont tenu, c’est qu’ils convenaient aux deux parties. Ils permettaient aux dirigeants pakistanais de bâtir une stratégie susceptible de contrer l’emprise d’Al-Qaida dans la zone tribale. Et ils répondaient à la désillusion des talibans, lassés de la stratégie globale et jugée monomaniaque d’Al-Qaida, qui n’avait servi qu’à affaiblir la résistance afghane.
Un épisode a toutefois illustré les tensions. M. Haji Nazir, un commandant taliban peu connu, courtisé et alimenté en argent et en armes par les services de sécurité pakistanais, est rapidement devenu l’homme fort du Waziristan sud. M. Nazir a laissé le choix aux combattants étrangers : être désarmés ou partir renforcer l’offensive contre les troupes de l’OTAN en Afghanistan. Comme on pouvait le prévoir, ceux-ci ont rejeté cette offre et une confrontation armée, en mars 2007, a fait plus de cent quarante morts, pour la plupart originaires d’Asie centrale. Dans le Waziristan nord, des incidents du même type se sont déroulés. Chef légendaire de la résistance antisoviétique dans les années 1980, M. Jalaluddin Haqqani a dépêché son fils Sirajuddin, avec comme médiateurs le mollah Dadullah et M. Noor Mohammad Saqib, qui présidait la Cour suprême afghane sous le régime des talibans.
Les commandants talibans ont dû lever le siège et permettre aux militants étrangers de gagner la destination de leur choix. Ceux-ci ont préféré rejoindre l’Irak, nouvelle terre promise, plutôt que l’Afghanistan, où leur présence semble moins acceptée par les talibans. Ils ont retrouvé d’autres figures importantes, comme M. Abdoul Hadi Al-Iraki, parti à la fin de 2006 mais très rapidement arrêté, et qui est aujourd’hui détenu à Guantánamo.
Al-Qaida a commencé à envoyer des combattants des deux Waziristans vers l’Irak tout de suite après l’invasion américaine de 2003. Ce mouvement a été accéléré par les différends idéologiques et stratégiques qui l’opposaient aux talibans. « Dès qu’il a été nommé administrateur de l’Irak, Paul Bremer (5) a dissous toutes les forces de sécurité irakiennes. Nous sommes allés le voir en délégation – se souvient le docteur Mohammed Bashar Al-Faidy, responsable de l’Association des oulémas musulmans, une des composantes actuelles de la résistance antiaméricaine – et nous l’avons mis en garde contre cette décision qui allait permettre à chacun de franchir nos frontières. On aurait dû préserver au moins les gardes-frontières. Bremer n’était pas d’accord : pour lui, toutes les forces de sécurité étaient acquises à Saddam. Bientôt, les Irakiens ont assisté, impuissants, à un afflux de toutes sortes d’individus sans scrupule, de terroristes venant d’Iran ou d’Al-Qaida, qui se regroupaient en Irak pour leurs propres objectifs. » Et il conclut : « Aujourd’hui, je crois que cette politique de Bremer était consciemment destinée à attirer les militants d’Al-Qaida en Irak, où il pensait qu’il serait plus facile de les tuer ou de les capturer qu’en Afghanistan ou au Waziristan (6). »
Cependant, alors qu’Al-Qaida s’efforce de prendre la direction de la lutte et de convertir celle-ci à sa vision globale, les dirigeants irakiens de la résistance, mus avant tout par des objectifs nationalistes, s’en inquiètent de plus en plus et voudraient se débarrasser de ces combattants étrangers. Des indices de ces dissensions ont été récemment relevés par les médias arabes. La chaîne de télévision satellitaire Al-Jazira a rapporté, en avril 2007, les propos de M. Ibrahim Al-Shammari, porte-parole de l’Armée islamique en Irak, sur sa rupture avec Al-Qaida. Les objectifs des deux mouvements sont si différents, affirmait-il, que, en certaines circonstances, l’Armée islamique en Irak préférerait traiter avec les Etats-Unis.
Lors d’une conférence de presse tenue à Washington le 26 avril 2007 (7), le général David Petraeus, le commandant en chef des troupes américaines en Irak, a évoqué le retournement sunnite contre Al-Qaida : « Les rebelles sunnites et ce que l’on appelle la résistance sunnite demeurent nos adversaires. Mais nous voyons aussi d’autres éléments qui se joignent à des tribus sunnites en lutte contre Al-Qaida, de sorte que la situation est plus encourageante dans la province d’Anbar et d’autres zones que nous tenions pour perdues il y a moins de six mois. » Le général Petraeus a aussi affirmé que les Etats-Unis « continueront à traiter avec les chefs de tribu sunnites et d’anciens dirigeants de l’insurrection afin que leurs combattants viennent se joindre aux forces de sécurité irakiennes légitimes dans la lutte contre les extrémistes ».
Quant au docteur Al-Faidy, il ne mâche pas ses mots : « Tous les éléments étrangers qui se sont intégrés à des milices irrégulières sont une malédiction pour la résistance. Ils s’acharnent à vouloir contrôler l’Irak pour faire avancer leur propre projet. Al-Qaida a été infiltré par de nombreux services de renseignement, sans parler de leurs déviations religieuses, comme le takfirisme. En fin de compte, c’est le peuple irakien qui paie un lourd tribut. Il en va de même des milices chiites soutenues par les services iraniens. Elles aussi veulent dominer l’Irak du Sud et ont assassiné jusqu’ici une trentaine de cheikhs chiites. Les cheikhs de cette région voudraient se joindre à la résistance contre l’occupant, mais les activités de ces milices soutenues par l’Iran les en empêchent. »
Selon le docteur Al-Faidy, la plupart des opérations d’envergure montées en Irak sont le fait des groupes nationaux de résistance. Mais, comme ceux-ci sont lents à les revendiquer, les médias internationaux les attribuent souvent à Al-Qaida. « Même James Baker (8) admet qu’Al-Qaida n’est qu’un rouage modeste dans la résistance. Nous payons aujourd’hui le prix d’avoir accepté Al-Qaida au sein de la résistance dans un premier élan d’enthousiasme. Après l’invasion par les Etats-Unis, nous voulions convaincre tout un chacun de se joindre à la lutte contre l’envahisseur. Lors de l’arrivée en Irak des premiers combattants d’Al-Qaida, nous les avons accueillis à bras ouverts. Mais aujourd’hui, tout ce qu’ils font nuit gravement à la résistance. »
Que ce soit la résistance irakienne, les talibans ou d’autres groupes ayant accepté Al-Qaida dans leurs rangs, tous en paient désormais le prix. Mais leur rupture avec l’organisation de M. Ben Laden en Irak pourrait avoir une contrepartie favorable : les Etats-Unis semblent avoir accepté l’idée d’une paix séparée avec les groupes de résistance sunnites qui se seraient débarrassés des combattants d’Al-Qaida et qui pourraient se voir récompensés par une formule de partage du pouvoir avec le gouvernement de Bagdad.
Quant au front de l’Est (Afghanistan-Pakistan), la mort du mollah Dadullah, qui avait réussi à s’assurer un appui substantiel du général Moucharraf, y crée une incertitude. Mais le but d’Islamabad reste le même : négocier une formule de partage du pouvoir entre les talibans modérés et le gouvernement de Kaboul. Cela nécessitera toutefois le départ de tous les combattants étrangers – une « longue marche » de ces adeptes du takfirisme vers de nouvelles terres musulmanes, qui seront susceptibles, un jour ou l’autre, de les expulser à nouveau.
Syed Saleem Shahzad.
05/08/2010
05/08/2010
Il Faut présenter de façon outrancière les objets dont l’importance est minimisée
Le terrain philosophique c’est la bombe — ou plus précisément : notre existence sous le signe de la bombe, car tel est notre thème. C’est un terrain parfaitement inconnu. En dresser d’emblée la carte est impossible. Il faudra d’abord nous laisser dériver, nous contenter d’observer et d’enregistrer les détails qui nous sauteront aux yeux. leur succession paraîtra d’abord contingente et leur agencement obscur. Mais les choses changeront en cours de route. […]
Si l’image dans son ensemble reste encore floue, j’ai cependant cherché à marquer d’emblée avec la plus grande précision possible les contours des détails qui la composent, c’est-à-dire à les accentuer autant qu’il m’était possible de le faire. Cette méthode exige quelques éclaircissements pour être bien comprise.
Elle ne procède pas du désir de faire de l’esprit, ce qui, étant donné la question serait terriblement inconvenant ; elle est en fait exclusivement motivée par la singulière invisibilité qui est celle de notre objet : alors qu’il devrait être sans cesse présent devant nos yeux dans l’éclat de sa menace et de sa fascination, il reste, à l’inverse dissimulé au cœur même de notre négligence. La grande affaire de notre époque, c’est de faire comme si on ne le voyait pas, comme si on ne l’entendait pas, de continuer à vivre comme s’il n’existait pas : nos contemporains semblent s’être jurés de ne pas le mentionner. Il est bien sûr impossible de se contenter de « simplement décrire » un tel objet. Si un objet reste par essence indistinct, minimisé ou refoulé, il faut alors pour l’exposer — et faire ainsi apparaître la vérité qui est en lui — remédier à cette indétermination en exagérant d’autant plus ses contours qu’ils sont « estompés ».
En d’autres termes, s’il est à ce point difficile de parler de notre objet, ce n’est pas seulement parce qu’il est une « terra incognita », c’est aussi parce qu’il est systématiquement maintenu dans l’incognito : parce que les oreilles auxquelles on tente de parler deviennent sourdes dès qu’on mentionne cet objet. S’il nous reste une chance de nous faire entendre, ce n’est qu’en rendant notre propos aussi tranchant que possible. C’est la raison pour laquelle j’ai à ce point forcé le trait. Nous ne sommes pas encore à l’époque heureuse où nous pourrons enfin nous dispenser d’être outranciers et d’exagérer : nous ne sommes pas encore à l’époque de la sobriété. […]
Il n’est pas certain que les termes de « morale », de « considérations morales » ou d’« éthique », conviennent encore aux réflexions qui vont suivre. Par rapport à la monstruosité de ce dont il est question, ils semblent faibles et inappropriés. Jusqu’ici les problèmes de morale consistaient à se demander comment les hommes devaient traiter les hommes, comment les hommes devaient considérer les hommes, comment devait fonctionner la société. À l’exception d’une poignée de nihilistes désespérés du siècle dernier, il ne s’est guère trouvé de théoriciens de la morale pour mettre en doute le fait qu’il continuerait à y avoir des hommes et qu’il devait en être ainsi. Débattre d’un tel présupposé eût encore, il y a peu, paru absurde. Mais la bombe, la prise de position ou plutôt l’absence de prise de position sur la bombe à donné une véritable actualité à cette question.
Cela signifie qu’à la question de savoir « comment » l’humanité devait continuer à exister s’est substituée aujourd’hui celle de savoir « si » l’humanité devait ou non continuer d’exister. Cette question est écrasante, et l’homme contemporain, dans son aveuglement face à l’apocalypse, dans son angoisse face à l’angoisse, la sienne et celle des autres, craignant de s’inquiéter lui-même ainsi que les autres hommes, eux aussi condamnés à mourrir, se refuse à la poser. Elle est néanmoins posée par l’existence même de la bombe. Il nous faut percevoir tout ce qu’a de monstrueux le « si » par lequel débute cette nouvelle question. Sa menace est suspendue, comme un signe de mauvais augure, au-dessus des mots de ce texte — comme une « lune rousse », auraient dit les Anciens. J’espère que le lecteur, ne serait-ce que pendant le temps qu’il consacrera à sa lecture, n’arrivera pas à oublier cette chose suspendue au-dessus de nos têtes.
Günther Anders, L’obsolescence de l’homme. Sur l’âme à l’époque de la deuxième révolution industrielle, 1956.
05/08/2010
05/08/2010
James Nachtwey's searing photos of war
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