Ce très bon thread a été diffusé le 29 juin dernier sur le compte twitter de l'excellente revue Ballast. Je ne demande pas l'autorisation de copier ici mais je fais de la pub ;) J'en dis pas plus, lisez plutôt :
Pendant qu’il est en Espagne pour combattre le nationalisme au sein d’une organisation marxiste, un livre d’Orwell sort, en mars 1937, avec une sorte de programme pour affronter « la mainmise fasciste sur l’Europe » : la « ligue des opprimés ». Voilà en gros à quoi ça ressemblait :
Ce qu’il reproche aux socialistes et aux communistes ? Le « jargon technique », le « credo urbain », les « chicaneries doctrinales », le culte des machines et de la « nécessité historique », la focalisation sur le seul « fait économique ». De se couper de « l'homme de la rue ».
Il appelle donc à un « front populaire » où le socialisme serait résumé en deux mots : « justice et liberté ». Ce front, ou cette ligue, se revendiquerait de la « cause commune » : aucun problème à marcher avec des gens qu’on n’apprécie pas si « l’essentiel est préservé ».
L’essentiel, c'est quoi ? Orwell met trois points en avant : unité avec ceux qui redoutent leur patron, ont du mal à payer leurs factures et refusent toutes les tyrannies.
Quid des divergences ? Il « sera toujours temps d’en discuter après », pense-t-il. « Nous sommes arrivés à un moment où il est désespérément nécessaire que tous ceux qui se réclament de la gauche fassent abstraction de leurs différences et décident de serrer les rangs. »
Il indique une « ligne » à formuler explicitement : celle qui sépare les exploiteurs et les exploités. Dans les seconds, il compte la classe ouvrière traditionnelle et la classe moyenne (car les deux subissent « le même système »).
Il liste ainsi : employé de bureau, ingénieur, voyageur de commerce, petit-bourgeois, épicier, fonctionnaire subalterne, terrassier, manœuvre d’usine, dactylo, mineur de fond, maître d’école et mécano.
Par-delà la sensibilité de chacun, Orwell précise, face au cauchemar qui vient (on est deux ans avant la guerre), que « la seule attitude possible pour un honnête homme, [...] c’est d’œuvrer pour l’avènement du socialisme ».
4 ans après ce livre (« Le Quai de Wigan »), il publie en pleine guerre « Le lion et la licorne » et se montre plus précis, avec un appel à la « révolution » bâti sur un « programme en six points ».
1) nationaliser toutes les terres, les mines, les chemins de fer, les banques et les principales industries
2) instaurer une échelle des revenus de 1 à 10
3) réformer l'éducation sur des bases démocratiques
4 ans après ce livre (« Le Quai de Wigan »), il publie en pleine guerre « Le lion et la licorne » et se montre plus précis, avec un appel à la « révolution » bâti sur un « programme en six points »
4) donner immédiatement le statut de dominion à l'Inde puis la laisser entièrement libre de prendre son indépendance la guerre achevée
5) créer un Conseil général de l'empire avec représentation des « gens de couleur »
6) s'allier avec la Chine, l’Éthiopie et tous les pays frappés par les fascistes
(Addendum : Orwell a rallié le POUM marxiste mais précise, dans un autre livre, « Hommage à la Catalogne » : « Si je n’avais tenu compte que de mes préférences personnelles, j’eusse choisi de rejoindre les anarchistes. » Mais que les anarchistes ne crient pas victoire trop vite car Orwell critique, encore ailleurs, l'anarchisme comme une foi qui, en refusant le pouvoir et les saletés propres à la politique, renforce le goût du pouvoir par prétention à détenir la vérité.)